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Risque chimique : l’ECHA évalue des groupes de molécules et non plus des substances une par une

Petite fille jouant avec des produits chimiques à la maison
© Pixel-Shot

Certains produits chimiques sont nocifs. Mais la gestion du risque chimique va bien au-delà de l’interdiction des produits. Il s’agit de trouver les moyens les plus aptes à contrôler leur utilisation pour s’assurer qu’ils ne nuisent pas à l’environnement ou ne nous font pas de mal.

Comment gérer efficacement le risque chimique ?

C’est ce sur quoi l’ECHA se concentre dans sa stratégie réglementaire intégrée. « Notre idée a été de rassembler les processus de différentes législations, en nous concentrant principalement sur les réglementations REACh et Classification, étiquetage et emballage (CLP). De cette façon, nous avons pu mieux utiliser nos ressources et toutes les informations dont nous disposons sur les produits chimiques », explique Mark Blainey, chef de l’unité Priorisation de l’ECHA.

Mark Blainey, responsable de l’unité priorisation de l’ECHA | ©ECHA

L’objectif est de savoir :

  • quelles substances enregistrées sont prioritaires pour la gestion des risques,
  • lesquelles ont besoin de plus de données pour confirmer les dangers potentiels,
  • et lesquelles sont actuellement peu prioritaires pour une action ultérieure.

« Pour être plus rentable, il fallait accélérer. Nous avons ainsi réalisé que nous devions changer notre façon de travailler. Par conséquent, depuis 2019, nous sommes passés de l’examen des substances une par une à une évaluation par groupes. »

Les travaux menés dans le cadre de la stratégie ont un impact direct sur la gestion des produits chimiques dans l’UE. D’autres régions peuvent utiliser ou adapter les résultats à leurs propres besoins. Cela contribuera par ailleurs à la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies pour 2030 sur les produits chimiques.

Prévoir comment réglementer des groupes de produits chimiques

L’évaluation des besoins réglementaires des produits chimiques en groupes est devenue un outil central pour clarifier les prochaines étapes pour les produits chimiques potentiellement nocifs. Le regroupement permet d’accélérer l’évaluation. Il augmente aussi la prévisibilité. Cela permet également d’éviter les situations où on remplace un produit chimique dangereux par un autre dont la structure est similaire.

Le regroupement peut aussi empêcher les tests inutiles sur les animaux.

Mark Blainey

« Le regroupement peut aussi empêcher les tests inutiles sur les animaux. En effet, l’évaluation repose sur le profil de danger du groupe plutôt que sur l’obtention de données de test sur des substances individuelles », explique Mark.

Les différentes voies réglementaires qui peuvent être pertinentes pour un groupe de substances actives sont déjà prises en compte dans les premières étapes de l’évaluation. « Avec nos collègues des autorités nationales, nous entrons dans l’évaluation en sachant comment réglementer certaines substances au mieux. Nous n’avons peut-être pas toutes les données nécessaires pour justifier l’action. Mais nous gardons cette idée initiale à l’esprit pendant que nous recueillons des données. Et nous voyons si les dangers suspectés sont confirmés ».

Les données des dossiers d’enregistrement constituent le point de départ des évaluations. Lorsque de nouvelles informations importantes seront disponibles, les autorités réexamineront le groupe de substances. Ils reconsidéreront alors si l’hypothèse initiale de la voie réglementaire est toujours logique.

Les rapports d’évaluation disponibles sur le site Web de l’ECHA incluent les prochaines étapes à prendre pour les différentes substances de chaque groupe. Les entreprises peuvent lire les rapports pour voir où vont les substances qu’elles produisent, importent et utilisent.

« Pour bien faire notre travail, nous devons avoir accès aux dernières informations. Les entreprises doivent donc faire leur part et mettre à jour de manière proactive leurs enregistrements. Il nous faut autant d’informations possible dès le départ pour trouver les substances qui nécessitent une action immédiate. Mais aussi, ceux pour lesquels on ne voit pas la nécessité d’agir tout de suite », souligne Mark.

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Plus de données nécessaires pour la majorité des substances

L’impact de l’évaluation des produits chimiques par groupes ressort également clairement des chiffres – avec des évaluations finalisées pour plus de 1.900 substances en 2021. Celles-ci incluent certaines substances bien connues, telles que 148 bisphénols et 134 phtalates et substances de type phtalate.

Pour protéger notre santé et l’environnement, des actions de gestion des risques chimiques, telles que la classification et l’étiquetage harmonisés (CLH) ou la restriction, ont été identifiées comme prochaines étapes immédiates pour environ 300 substances. Les substances actives nécessitant une restriction lors des évaluations figurent dans la feuille de route des restrictions de la Commission européenne, publiée en avril 2022. Les évaluations continueront d’alimenter la liste évolutive de la feuille de route. Elles contribueront directement à la stratégie de l’UE pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques et le Green Deal (le pacte vert).

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Pour 800 substances évaluées en 2021, il n’y a actuellement pas suffisamment d’informations disponibles pour confirmer le danger potentiel et les prochaines étapes. Environ 350 d’entre elles devraient passer à la gestion des risques chimiques à l’avenir.

Lorsque des données manquent, la première étape consiste à évaluer si des données pour d’autres substances actives du groupe pourraient être utiles. Si des données supplémentaires sont encore nécessaires, l’ECHA peut effectuer des contrôles de conformité. Elle peut demander aux entreprises de générer et de soumettre les données manquantes qui sont pertinentes pour comprendre les dangers – et, en fin de compte, l’utilisation sûre – de la substance. Les autorités nationales peuvent, à leur tour, demander des informations. Celles-ci peuvent aller même au-delà des exigences d’information standard de REACh via l’évaluation des substances.

Pour l’examen ou la production de données pour le groupe, les nouvelles méthodologies d’approche qui ne testent pas sur les animaux deviennent également de plus en plus importantes.

Si les données générées montrent qu’une substance est dangereuse, les autorités peuvent confirmer cela en proposant d’harmoniser la classification et l’étiquetage de la substance. On peut aussi l’identifier comme substance extrêmement préoccupante.

Lire également : REACh et la maîtrise du risque chimique, le bilan

Cartographie des produits chimiques sur le marché de l’UE

Afin de suivre les progrès réalisés dans la réglementation des substances enregistrées dans le cadre de la stratégie, elles ont été divisées en six pools. L’univers chimique présente une série d’instantanés montrant quelles substances se trouvent dans quels pools.

« Pour les entreprises, ces informations peuvent être très utiles. En effet, elles peuvent voir quelles actions sont prévues pour leurs substances et prendre des décisions éclairées. C’est particulièrement intéressant lorsqu’elles envisagent de remplacer des produits chimiques nocifs par des alternatives plus sûres », fait observer Mark. L’univers chimique aide également les autorités à hiérarchiser leur travail et à se concentrer sur les substances qui comptent.

Les substances à fort volume enregistrées au-dessus de 100 tonnes par an sont prioritaires pour l’évaluation en raison de leurs larges utilisations. Elles peuvent potentiellement entraîner des risques élevés. Depuis 2019, environ 700 substances à volume élevé du pool « non encore attribué » ont été évaluées. Cela améliore notre compréhension des produits chimiques sur le marché de l’UE.

Grâce à l’approche par regroupement, le nombre de substances à faible volume qui ont été attribuées aux pools concernés a également augmenté au cours des dernières années.

Concentrer les efforts sur la clarification des préoccupations

Certes la stratégie se concentre sur l’identification des substances qui doivent être réglementées au niveau de l’UE. Mais il est également important de savoir quelles substances ne nécessitent pas d’autres mesures réglementaires, sur la base des informations actuelles. En 2021, c’était le cas pour 800 substances évaluées.

Ces substances présentent généralement un faible danger. Elles présentent un faible risque d’exposition. Ou alors elles sont déjà dotées de mesures suffisantes de gestion des risques. Si les utilisations changent, ces conclusions peuvent être réexaminées. Grâce à ces informations, les autorités peuvent concentrer leurs efforts sur les substances dont les préoccupations doivent encore être confirmées. Et les entreprises ont déjà une indication de l’existence ou de l’impossibilité de limiter leur utilisation.

Plus de ressources nécessaires pour confirmer les dangers

Notre compréhension de la meilleure façon de gérer les risques des produits chimiques enregistrés se développe. Mais il reste encore des problèmes à résoudre.

Il y a des questions ouvertes sur la façon de traiter, par exemple, les substances qui ne peuvent pas être évaluées en groupes. Pareil pour les substances utilisées dans des tonnages si faibles qu’il n’y a pratiquement aucune information disponible à leur sujet. Un autre problème urgent est l’arriéré de substances pour lesquelles l’ECHA a identifié un besoin de classification et d’étiquetage harmonisés. Il s’agit d’une étape qui précède souvent d’autres mesures de gestion des risques. Il faut donc déployer des efforts supplémentaires dans ce travail.

« Avec notre approche actuelle, nous avons réussi à augmenter considérablement le nombre de substances identifiées pour les prochaines étapes. Mais nous avons besoin de l’aide des autorités des pays de l’UE avant que de pouvoir mettre en place des mesures de gestion des risques. Un bon exemple est celui de la classification et de l’étiquetage harmonisés. Nous n’avons actuellement pas le mandat d’initier des propositions. Les autorités nationales doivent investir davantage de ressources et contribuer activement. De cette manière, nous pourrons ensemble gérer en temps opportun les risques liés à davantage de substances », conclut Mark.

Le quatrième rapport de l’ECHA dans le cadre de la Stratégie réglementaire intégrée a été publié le 17 juin 2022. Il clarifie les voies réglementaires les plus appropriées pour les substances évaluées en 2021.

Source : ECHA

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Mention obligatoire : La traduction, réalisée par Hélène Frontier, est non officielle et n’est pas approuvée par l’ECHA. Toutes les questions et commentaires liés à la traduction doivent être adressés à communication@hamelin.info

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