Dératisation

Rodonticide : l’essentiel à savoir sur ce biocide

Station d’appât rodonticide en plein air en usine
©Aonprom Photo

Un rodonticide est un produit chimique fabriqué et vendu afin de contrôler les rongeurs. Encore fréquemment appelés « mort aux rats », les raticides – c’est leur autre nom, quoique désuet – servent également à éliminer les souris. Certains rodonticides ont un effet létal après une exposition tandis que d’autres nécessitent plus d’une ingestion. Incapables de vomir, les rongeurs n’aiment pas les aliments inconnus. Ils préfèrent donc consommer en plusieurs fois. Ils peuvent ainsi voir si la nourriture les rend malades, eux ou leurs congénères. Ce phénomène, appelé néophobie, est la raison principale de l’effet retard des appâts développés. Mais faisons le point sur les différents rodonticides présents sur le marché…

Par Hélène Frontier

Rodonticide : qu’est-ce que c’est ?

Un rodonticide (ou raticide) est un biocide qui élimine les rongeurs, rat ou souris. Ces rongeurs jouent un rôle important dans la nature. Cependant, il faut parfois contrôler leur population. Ils peuvent en effet endommager les cultures ou les structures, transmettre des maladies et, dans certains cas, provoquer des dégâts écologiques.

Les rongeurs, les humains, les chiens et les chats sont tous des mammifères, dont le corps fonctionne de manière très similaire. Les rodonticides ont le même effet lorsqu’ils sont consommés par n’importe quel mammifère. Ils peuvent également affecter les oiseaux.

Les rodonticides sont soumis au règlement (EU) 528/2012 (BPR) et appartiennent au type de produit 14 (TP 14).

Les raticides sont généralement formulés sous forme d’appâts, conçus pour attirer les animaux. Ils contiennent différents arômes tels que l’huile de poisson, la mélasse ou le beurre de cacahuète. Les appâts peuvent aussi contenir des légumes, des céréales ou des fruits. Ils peuvent être attrayants pour les enfants et les animaux domestiques. Par conséquent, on doit les utiliser ou les ranger hors de leur atteinte. Les stations ou postes d’appâtage doivent être inviolables pour éviter tout accident.

Les différentes sortes de rodonticides

Il existe plusieurs matières actives rodonticides enregistrées en France. Il est possible de les regrouper selon leur mode d’action.

La plupart des raticides arrêtent la coagulation du sang. On les appelle des anticoagulants. La bromadiolone, la diféthialone, le brodifacoum, la warfarine… sont tous des rodonticides anticoagulants.

Il existe un certain nombre de raticides qui ne sont pas des anticoagulants, et ceux-ci agissent de manière différente. Il s’agit en l’occurrence du cholécalciférol et de l’alphachloralose.

En outre, trois autres substances sont actuellement approuvées au niveau européen. Il s’agit du dioxyde de carbone, du cyanure d’hydrogène et du phosphure d’aluminium. On utilise ces substances essentiellement par fumigation. Par conséquent, les produits sont strictement réservés aux professionnels de la dératisation.

La liste des substances actives approuvées au niveau européen peut être consultée sur le site de l’ECHA. L’ECHA est l’instance européenne qui décide de l’approbation des substances actives. Les produits, quant à eux, sont homologués au niveau national par l’ANSES, l’instance française qui étudie les demandes de mise sur le marché des formulations (produits).

Rodonticide anticoagulant : comment ça fonctionne ?

Notre foie fabrique une enzyme spéciale qui permet à notre corps de recycler la vitamine K. Notre corps a besoin de vitamine K pour fabriquer les agents de coagulation du sang qui nous protègent contre les saignements excessifs. Les anticoagulants empêchent cette enzyme de faire son travail. Notre corps stocke  des réserves supplémentaires. Mais si nous sommes exposés à suffisamment d’anticoagulant, ces réserves s’épuisent et une hémorragie interne peut se produire.

La warfarine a été le premier rodonticide anticoagulant. Son utilisation a été homologuée en 1950. La warfarine a été découverte dans du mélilot moisi qui avait rendu malade un troupeau de bovins. Les chercheurs ont découvert qu’un champignon avait converti un produit chimique présent naturellement dans le trèfle en un produit chimique plus toxique. La warfarine était largement utilisée jusqu’à ce que de nombreux rongeurs commencent à y devenir résistants. Cela a conduit au développement de nouveaux raticides.

Quels raticides anticoagulants nécessitent plusieurs doses pour fonctionner ?

À l’heure actuelle, il existe deux types de rodonticides anticoagulants :

  • les anticoagulants de première génération (warfarine, chlorophacinone, coumatétralyl),
  • et les anticoagulants de seconde génération (flocoumafen, diféthialone, brodifacoum, bromadiolone, difénacoum).

Les anticoagulants sont classés en première ou deuxième génération. Mais de nombreuses sources les appellent des rodonticides à dose unique ou à doses multiples, car cela prête moins à confusion.

La warfarine, la chlorophacinone et le coumatétralyl exigent généralement qu’un animal mange plusieurs doses de l’appât pendant plusieurs jours. Les anticoagulants à dose unique, tels que le brodifacoum, la bromadiolone et la diféthialone sont plus toxiques. L’alimentation peut délivrer une dose toxique en un jour. Ces anticoagulants sont plus toxiques car ils se fixent plus étroitement à l’enzyme qui fabrique les agents de coagulation du sang. Ils peuvent également interférer avec d’autres étapes du recyclage de la vitamine K. Les anticoagulants de deuxième génération ou à dose unique sont stockés dans le foie et ne sont pas facilement excrétés par l’organisme.

Lors du renouvellement des substances actives rodonticides, les autorités ont revu le seuil de toxicité à la baisse. Par conséquent, seuls les professionnels peuvent utiliser les rodonticides anticoagulants présentant une concentration en substance active supérieure ou égale à 0,003% (équivalent à 30 ppm). Ces produits ne peuvent plus être commercialisés pour un usage amateur.

Ce changement de classification et/ou l’ajout d’équipement de protection personnelle restreint le nombre de produits disponibles sur le marché.

Lire également : Règlement biocides, la lenteur du système européen

Les rodonticides autres que les anticoagulants

Actuellement, il n’existe que deux substances actives rodonticides approuvées au niveau européen : l’alphachloralose et le cholécalciférol. Chacun de ces biocides agit d’une manière différente.

L’alphachloralose

L’alphachloralose est un souricide (lutte contre les souris). Les appâts prêts à l’emploi contiennent de 2 à 4 % de la substance active. Ces produits peuvent être commercialisés à destination du grand public et des professionnels. L’alphachloralose est un narcotique à effet rapide. Après ingestion, l’activité cérébrale, la fréquence cardiaque et la respiration ralentissent. Cela induit une hypothermie et la mort.

Le cholécalciférol

Le cholécalciférol a été enregistré pour la première fois comme rodonticide aux États-Unis en 1984. Il est arrivé en France fin 2020.

Le cholécalciférol est de la vitamine D3. La vitamine D aide le corps à maintenir l’équilibre en calcium en améliorant l’absorption du calcium par l’intestin et les reins. Des doses toxiques de cholécalciférol entraînent une trop grande quantité de calcium dans le sang. Cela affecte le système nerveux central, les muscles, le système cardiovasculaire, les reins… La capacité du corps à maintenir des niveaux de calcium adéquats doit être dépassée avant que le cholécalciférol ne devienne toxique. Les rongeurs doivent ingérer plusieurs doses de ce rodonticide. Cela entraîne un décalage dans le temps entre l’exposition et les signes de toxicité. Il n’y a pas d’antidote. Il arrive que des animaux de compagnie tombent malades en mangeant du cholécalciférol. En revanche, les empoisonnements humains sont très rares. Des mélanges de cholécalciférol et d’anticoagulants ont déjà été testés. Ils se sont révélés efficaces contre les rats et les souris.

Quels sont les signes d’empoisonnement aux rodonticides ?

Suivez toujours les instructions sur l’étiquette. Prenez également des mesures de protection pour minimiser l’exposition.

En cas d’exposition, suivez attentivement les instructions de premiers secours sur l’étiquette du produit. Pour des conseils de traitement supplémentaires, contactez le centre antipoison.

L’exposition aux rodonticides anticoagulants

Elle peut entraîner des saignements dans n’importe quelle partie du corps, mais ce n’est pas toujours obligatoire. On observe des difficultés respiratoires, de la faiblesse et de la léthargie chez des animaux empoisonnés avec des rodonticides anticoagulants. Les signes moins courants comprennent une toux, des vomissements, des selles noires, un saignement des gencives, des convulsions, des ecchymoses, des tremblements, et une distension abdominale. Étant donné que les agents de coagulation stockés doivent s’épuiser, les signes peuvent être retardés jusqu’à cinq jours après l’exposition.

Le cas échéant, les enfants mangent généralement de toute petites quantités et peuvent ne jamais montrer aucun signe d’empoisonnement. Les signes chez les personnes comprennent des saignements soudains du nez, des gencives ou de la peau. Une hémorragie interne peut également survenir. Certaines produits contiennent un colorant bleu ou vert qui aide à déterminer si un enfant ou un animal domestique a manipulé ou mangé le produit.

L’exposition au cholécalciférol

Le cholécalciférol peut être toxique suite à une exposition. Les signes chez les animaux comprennent une faiblesse, une dépression et une perte d’appétit. Lorsque les signes progressent, on inclut des vomissements, une soif accrue, des mictions plus fréquentes, une déshydratation et une constipation. Des vomissements, de la diarrhée, une perte d’appétit et une dépression peuvent se développer dans les 12 à 36 heures suivant l’exposition. Et les reins peuvent cesser de fonctionner après un ou deux jours. Les survivants peuvent avoir des dommages permanents aux reins et aux muscles. Les signes d’empoisonnement peuvent durer des semaines car le cholécalciférol peut être stocké dans l’organisme et ses produits de dégradation sont éliminés lentement. Les personnes exposées ont une soif inhabituelle et une miction accrue. Ils peuvent souffrir de lésions cardiaques et rénales si l’augmentation des niveaux de calcium dure assez longtemps.

Que se passe-t-il si les animaux de compagnie et la faune mangent des rongeurs empoisonnés ?

On appelle ce phénomène un empoisonnement secondaire. C’est lorsque que des animaux de compagnie ou la faune mangent des rongeurs qui ont été empoisonnés par des rodonticides.

Les appâts rodonticides sont conçus pour attirer les animaux. Les animaux de compagnie et les animaux sauvages peuvent consommer l’appât s’ils le trouvent. Lorsqu’un animal mange directement l’appât, on parle d’empoisonnement primaire. L’empoisonnement secondaire est causé par la consommation de proies empoisonnées.

Lire également : Appâtage permanent & rodonticides, une pratique interdite en France

D’après le site américain National Pesticide Information Center, les rodonticides présentant des risques d’empoisonnement secondaires élevés pour les oiseaux tels que les faucons et les hiboux comportent de la diféthialone, du brodifacoum et éventuellement de la bromadiolone. Les rodonticides qui présentent les plus grands risques d’empoisonnement secondaire pour les mammifères sauvages, les chiens et les chats comportent de la chlorophacinone, de la bromadiolone et du brodifacoum. Le cholécalciférol peut présenter des risques secondaires, mais ces risques n’ont pas été mesurés.

empoisonnement secondaire rodonticide

Les anticoagulants de deuxième génération présentent un risque plus élevé pour les animaux qui mangent des rongeurs empoisonnés. Si le rongeur continue à s’en nourrir après avoir ingéré une dose toxique le premier jour, il peut accumuler plus d’une dose létale dans son corps avant que les facteurs de coagulation ne s’épuisent et que l’animal ne meure. Les résidus d’anticoagulants peuvent alors rester dans le tissu hépatique pendant plusieurs semaines. Ainsi, si un prédateur mange de nombreux rongeurs empoisonnés, il peut accumuler une dose toxique au fil du temps. Cependant, même les anticoagulants de première génération peuvent être toxiques pour les animaux qui mangent des rongeurs empoisonnés.

Que faire pour réduire les risques d’empoisonnement secondaire ?

De nombreux appâts raticides peuvent être toxiques pour la faune s’ils sont consommés ou si un animal mange un rongeur récemment empoisonné. Si vous utilisez un rodonticide à l’extérieur, il est impératif de toujours suivre les instructions sur l’étiquette et de prendre des mesures pour éviter l’exposition.

Gardez tous les rodonticides hors de la portée des enfants et des animaux domestiques, lors de leur utilisation ou de leur stockage. En raison des arômes et des odeurs attractives de ces produits, les chiens peuvent chercher à les manger. Par conséquent, il faut choisir correctement la station d’appât pour les positionner autour de la maison.

Certains postes d’appâtage ne résistent qu’aux enfants. Certains résistent aux enfants et aux animaux domestiques. D’autres résistent aux enfants, aux animaux domestiques et aux intempéries.

Pour réduire les risques d’empoisonnement secondaire pour les animaux de compagnie et la faune, vous devez rechercher, ramasser et éliminer les rongeurs empoisonnés. Utilisez des gants lorsque vous vous débarrassez des rongeurs morts pour éviter tout contact. Fermez les couvercles des poubelles pour minimiser l’accès des animaux de compagnie ou de la faune aux rongeurs empoisonnés.

Vous découvrirez peut-être qu’il y a d’autres choses que vous pouvez faire pour contrôler les rongeurs, en plus d’utiliser des rodonticides. Découvrez quel type de rongeur vous avez et découvrez ses habitudes, ses capacités, ses goûts et ses dégoûts. Essayez de bloquer les points d’entrée et de supprimer toutes les sources de nourriture et d’eau. C’est ce qu’on appelle la lutte antiparasitaire intégrée (IPM).

Sources : National Pesticide Information | ECHA | Rodenticide Resistance Action Committee (RRAC) 

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