Désinsectisation

Gestion de la résistance aux insecticides : enjeux, solutions alternatives et stratégies pour les professionnels de la lutte antiparasitaire

Gestion de la résistance aux insecticides
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Les gros titres de la presse regorgent souvent d’histoires sensationnelles sur des rongeurs géants ou des insectes tueurs envahissant nos foyers, semant la terreur parmi nos familles. Pourtant, les véritables « super-nuisibles » ne sont pas ceux qui font la une des journaux. En réalité, ces nuisibles invisibles, souvent indétectables, prolifèrent en silence, évoluant sous nos yeux dans nos propres villes et campagnes, jusqu’à devenir une menace sérieuse pour nos méthodes de lutte antiparasitaire en milieu urbain. La gestion de la résistance aux insecticides est ainsi un enjeu majeur pour les professionnels de la lutte antiparasitaire.

Évolution des nuisibles et résistance aux insecticides

Au fil des décennies, la lutte contre les nuisibles a connu des avancées considérables, depuis les grands mouvements d’hygiène publique du XIXe siècle jusqu’à la découverte des pesticides de synthèse au XXe siècle. Cependant, malgré ces progrès, les nuisibles continuent de proliférer, menaçant nos ressources alimentaires, véhiculant des maladies et perturbant notre quotidien. Une définition claire d’un « super-nuisible » serait un organisme capable de survivre et de se multiplier malgré les efforts déployés pour le contrôler. Cette capacité de survie est souvent due à une résistance acquise aux insecticides.

La résistance aux insecticides se développe par un processus de sélection naturelle. Lorsqu’une population de nuisibles est exposée à un insecticide, seuls les individus possédant une mutation génétique leur permettant de survivre à l’exposition subsistent. Ces survivants se reproduisent, transmettant leurs gènes résistants à leurs descendants. Avec le temps, et si le même insecticide est utilisé de manière répétée, la proportion d’individus résistants augmente, rendant l’insecticide de moins en moins efficace. C’est ainsi qu’une population de « super-nuisibles » peut se développer.

Conséquences de la résistance aux insecticides

La résistance aux insecticides pose plusieurs problèmes pour les professionnels du secteur 3D (dératisation, désinsectisation, désinfection). Lorsqu’un traitement échoue en raison de la résistance, cela entraîne non seulement un coût supplémentaire pour le professionnel, qui doit revenir sur place pour retraiter l’infestation, mais cela peut également nuire à sa réputation.

La baisse d’efficacité d’un insecticide réduit le nombre d’outils disponibles pour lutter contre les espèces invasives, affaiblissant ainsi les capacités d’intervention. Pour les gestionnaires immobiliers, les restaurateurs ou les responsables d’établissements de santé, par exemple cela se traduit par une persistance des infestations, entraînant des conséquences directes sur la salubrité et la gestion des risques.

Exemples de résistance en milieu urbain

  1. Résistance des punaises de lit aux insecticides : prenons l’exemple des États-Unis
    La punaise de lit (Cimex lectularius) a développé une résistance marquée aux pyréthrinoïdes, une classe d’insecticides largement utilisée pour leur contrôle. Ce phénomène a été particulièrement observé dans des villes comme New York, où les infestations persistantes ont poussé les gestionnaires de nuisibles à adopter des méthodes alternatives telles que les traitements thermiques et l’utilisation d’insecticides de nouvelles classes chimiques. Cette adaptation aux traitements a rendu la gestion de ces nuisibles beaucoup plus complexe dans les environnements urbains.
  2. Gestion de la résistance des moustiques en Europe
    Dans le sud de la France, les moustiques urbains comme l’ Aedes aegypti et l’Aedes albopictus ont montré des niveaux élevés de résistance à la deltaméthrine.
    En réponse, les autorités sanitaires ont mis en place des programmes de lutte intégrée combinant l’élimination des habitats larvaires, l’utilisation d’agents biologiques et l’application d’insecticides à des doses variables. Ces mesures visent à limiter la pression de sélection et à maintenir l’efficacité des traitements disponibles.
  3. Résistance des blattes aux insecticides en milieu urbain
    La blatte germanique (Blattella germanica), un nuisible courant en milieu urbain, a développé une résistance aux pyréthrinoïdes et aux carbamates, compliquant ainsi la lutte contre ces insectes dans les environnements urbains densément peuplés. Les gestionnaires de nuisibles se tournent de plus en plus vers des solutions alternatives, telles que les régulateurs de croissance des insectes (IGR) et l’amélioration des pratiques d’hygiène pour limiter les sources de nourriture et d’abri des blattes.

Solutions alternatives pour la gestion de la résistance

Pour faire face aux défis posés par la résistance aux insecticides, les professionnels de la lutte antiparasitaire doivent explorer des solutions alternatives qui vont au-delà des traitements chimiques traditionnels.

  1. Biotechnologie et gestion des nuisibles :
    • Utilisation des OGM : Des organismes génétiquement modifiés (OGM) sont utilisés pour introduire des gènes résistants dans certaines populations d’insectes. Par exemple, les moustiques Aedes aegypti ont été modifiés pour exprimer des gènes qui réduisent leur capacité à transmettre des maladies comme la dengue. Ces moustiques modifiés, lorsqu’ils sont relâchés dans l’environnement, s’accouplent avec les moustiques sauvages et diminuent la population globale de moustiques vecteurs de maladies.
    • Bactéries symbiotiques : Une autre approche biotechnologique consiste à utiliser des bactéries symbiotiques, comme Wolbachia, pour infecter les populations de moustiques. Ces bactéries peuvent réduire la capacité des moustiques à transmettre des virus ou même diminuer leur fertilité, ce qui aide à contrôler les populations de nuisibles sans recourir à des insecticides traditionnels.
  2. Pratiques de gestion intégrée des nuisibles (IPM) :
    • Contrôle biologique : L’utilisation d’agents de contrôle biologique, tels que les prédateurs naturels (comme les coccinelles pour contrôler les pucerons) ou les parasitoïdes, peut réduire la dépendance aux insecticides. Par exemple, l’introduction de nématodes entomopathogènes dans les sols urbains a montré une efficacité dans la gestion des populations de termites sans l’utilisation d’insecticides chimiques.
    • Techniques culturales : En milieu urbain, l’application de techniques culturales comme la rotation des cultures dans les jardins urbains, l’utilisation de paillage pour réduire l’humidité favorable aux insectes, et la plantation d’espèces répulsives (comme le basilic pour repousser les moustiques) peuvent être des outils efficaces dans un programme IPM.
    • Utilisation de pièges et barrières physiques : L’installation de moustiquaires, de pièges à phéromones, ou de barrières physiques peut aider à réduire les infestations d’insectes dans les zones résidentielles et commerciales. Ces méthodes, en combinaison avec d’autres stratégies IPM, réduisent le besoin de traitements insecticides réguliers.
  3. Utilisation d’insecticides alternatifs :
    • Insecticides botaniques : Les produits dérivés de plantes, comme l’huile de neem ou les extraits de pyrèthre, offrent une alternative aux insecticides de synthèse. Bien que leur persistance soit souvent moindre, ils peuvent être utilisés de manière complémentaire dans les programmes de gestion intégrée des nuisibles pour minimiser le développement de la résistance.
    • Régulateurs de croissance des insectes (IGR) : Les IGR sont une classe d’insecticides qui interfèrent avec le développement des insectes, empêchant ainsi leur maturation et leur reproduction. Ils sont particulièrement utiles pour contrôler les populations de blattes et de moustiques en milieu urbain, car ils ciblent les stades larvaires sans affecter les insectes adultes résistants.

Classification et gestion de la résistance aux insecticides

Les insecticides peuvent être regroupés en classes selon leur mode d’action et leur similarité chimique. Par exemple, les pyréthrinoïdes agissent de manière similaire, et une population de nuisibles résistante à un pyréthrinoïde sera probablement résistante à d’autres insecticides de cette classe. Le Comité d’Action pour la Résistance aux Insecticides (IRAC) a établi une classification des modes d’action des insecticides, disponible sur leur site web (www.irac-online.org) et via une application mobile. Cette classification permet d’identifier les insecticides ayant le même mode d’action et, ainsi, de planifier une gestion plus efficace de la résistance.

Pour gérer la résistance aux insecticides, il est crucial de réduire la pression de sélection exercée par les traitements chimiques. Cela commence par la mise en œuvre de toutes les mesures de lutte non chimiques possibles avant d’utiliser des insecticides. Il est important de rappeler qu’un nuisible, même résistant, ne peut pas survivre sans accès à la nourriture, à l’eau et à des abris.

Stratégies pour prévenir et gérer la résistance

Afin de limiter la sélection de populations résistantes, il est recommandé de faire alterner les insecticides utilisés, en veillant à choisir des produits appartenant à des classes d’insecticides différentes. Cela réduit le risque que les nuisibles développent une résistance multiple, une situation où ils deviennent résistants à plusieurs types d’insecticides.

Il est également essentiel d’utiliser les insecticides à la dose appropriée et de manière optimale. Une application sous-optimale peut ne pas éliminer tous les nuisibles et contribuer à la sélection de populations résistantes.

Lire également :
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