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Résistance aux biocides chez les insectes vecteurs : un défi croissant pour la lutte antivectorielle

La tête d'un moustique, culex pipiens prise au microscope
©Wildwatertv

Dengue, virus du Nil occidental ou maladie de Lyme… Les maladies à transmission vectorielle représentent un fardeau important pour la santé publique et vétérinaire des pays de l’Union européenne. Pour réduire ce fardeau, des mesures de lutte antivectorielle sont nécessaires. Mais l’utilisation extensive ou inappropriée de biocides peut générer des résistances parmi les vecteurs. Dans ce contexte, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a publié un rapport. Il évalue l’état de la résistance aux biocides parmi les vecteurs dans la région de l’UE et les pays voisins. Il se base sur les informations disponibles dans la bibliographie et dans le réseau entomologique européen VectorNet. L’article scientifique est accepté dans Insects.

Par Hélène Frontier

Ce rapport a été envoyé pour consultation à plusieurs personnes représentant la Suisse, le Royaume-Uni, l’Espagne, le Maroc, la Roumanie, la Grèce et la France. En France, c’est Vincent Corbel (Directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement et coordinateur du réseau WIN) qui a ainsi suivi et révisé ce travail. Le réseau international WIN vise à suivre et combattre les résistances chez les moustiques vecteurs d’arboviroses émergentes à l’échelle mondiale. La France a aussi publié un rapport pour la établir un plan intégré de surveillance et de gestion des résistances auquel Vincent Corbel a contribué.

La résistance aux biocides compromet la lutte antivectorielle

Ce document du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) est une revue de la littérature sur la résistance aux biocides chez les populations sauvages de vecteurs dans la région de l’Union européenne et de l’Espace économique européen (UE/EEE). Cette littérature inclut les moustiques, les tiques, les phlébotomes et les Culicoides.

Les auteurs ont observé la présence de la résistance aux insecticides chez plusieurs espèces de vecteurs, pour différentes classes de biocides. Les moustiques, notamment Culex pipiens et Aedes albopictus, sont les vecteurs les plus étudiés.

La résistance aux biocides compromet l’efficacité des efforts de contrôle des maladies infectieuses transmises par ces vecteurs tels que la dengue, le virus du Nil occidental, ou encore la maladie de Lyme.

Le rapport propose des recommandations pour surveiller la résistance aux insecticides et pour développer des stratégies de contrôle des vecteurs efficaces. La résistance aux biocides étant un problème émergent, les auteurs mettent en avant la nécessité de poursuivre les recherches pour surveiller son développement chez les espèces de vecteurs.

Résistance aux insecticides chez les vecteurs : état des lieux dans l’UE/EEE

Cette revue a révélé que la résistance aux biocides était confirmée chez plusieurs espèces de vecteurs dans différentes régions de l’UE/EEE et pour plusieurs classes de biocides, tels que :

  • les pyréthroïdes,
  • les organophosphorés,
  • les organochlorés,
  • et les carbamates.

Ce phénomène peut compromettre l’efficacité des efforts de contrôle des vecteurs.

Les résultats montrent que deux espèces de moustiques, Culex pipiens et Aedes albopictus, – les vecteurs les plus étudiés – sont résistantes à plusieurs classes de biocides : pyréthroïde, organophosphoré, organochloré et carbamate. De plus, elles présentent des mutations dans l’allèle de résistance de type Knock-down (Kdr). Il existe moins d’études sur les tiques et les phlébotomes. Mais certaines études ont confirmé la résistance de ces espèces à certains biocides.

Les auteurs indiquent que la surveillance de la résistance aux biocides devrait être étendue à d’autres espèces de vecteurs, en particulier les espèces de tiques et de phlébotomes, pour mieux comprendre l’étendue du phénomène chez ces espèces.

Les auteurs notent également que la résistance aux insecticides est un problème émergent qui pourrait compromettre l’efficacité des efforts de contrôle des vecteurs dans la région. Il est donc nécessaire de poursuivre les recherches pour élaborer des stratégies de contrôle efficaces.

Implications pour la santé publique et le contrôle des vecteurs

Selon les auteurs, les autorités sanitaires devraient continuer à surveiller la résistance aux insecticides chez les vecteurs de manière proactive. Elles pourraient ainsi détecter rapidement toute augmentation de la résistance et adapter les programmes de contrôle des vecteurs en conséquence.

En effet, les résultats de cette surveillance peuvent aider les autorités sanitaires à :

  • estimer l’efficacité des biocides pour le contrôle des vecteurs,
  • choisir les méthodes les plus efficaces pour le contrôle des vecteurs dans les zones à risque de transmission.
  • à développer des stratégies de contrôle des vecteurs efficaces et durables, y compris l’utilisation de méthodes de contrôle non basées sur les biocides.

Il n’y a pas d’autorisation en Europe à ce jour pour la libération d’insectes stériles et la modification génétique des vecteurs.

Vincent Corbel

Il est important de prendre en compte la résistance aux biocides dans la planification et l’évaluation des programmes de contrôle des vecteurs. Cela permettra d’estimer l’efficacité des insecticides et de minimiser l’impact de la résistance sur la santé publique et animale.

On peut envisager des méthodes de contrôle des vecteurs qui ne dépendent pas des biocides pour contrôler les vecteurs résistants aux insecticides. Parmi ces méthodes, on trouve :

  • les méthodes physiques (par exemple, les pièges à moustiques),
  • les méthodes biologiques (par exemple, la libération d’insectes stériles)
  • ou les méthodes génétiques (par exemple, la modification génétique des vecteurs).

« Notons cependant qu’il n’y a pas d’autorisation en Europe à ce jour pour la libération d’insectes stériles et la modification génétique des vecteurs, indique Vincent Corbel. Ces méthodes sont à l’étude dans de nombreux pays dont le Brésil. »

L’’ANSES a publié en septembre 2021 un rapport d’expertise collective sur l’efficacité des pièges utilisés contre les moustiques Aedes vecteurs d’arboviroses.

Améliorer la surveillance de la résistance aux biocides chez les vecteurs

Les auteurs soulignent que les données sur la résistance aux insecticides sont fragmentées dans le temps et l’espace. Il y a actuellement un manque de cohérence dans la méthodologie utilisée dans les études. Cela rend difficile la comparaison des résultats entre différentes études et la formulation de conclusions générales.

La surveillance du phénomène doit donc être améliorée en utilisant des méthodes standardisées et cohérentes, afin de mieux comprendre son étendue et son ampleur chez les vecteurs dans la région UE/EEE.

En outre, les chercheurs travaillant sur la résistance aux biocides devraient collaborer avec les professionnels de la santé publique et de la santé animale impliqués dans le contrôle des vecteurs pour :

  • mettre à jour les données de surveillance de la résistance aux biocides,
  • élaborer des cartes de risque,
  • fournir une expertise scientifique et technique aux décideurs politiques,
  • et diffuser des informations entre les différents acteurs et pays.

Sources : ECDC| ANSES|Réseau WIN

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