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Patrick Gravey est le président de la Chambre syndicale des métiers de la dératisation, désinsectisation et désinfection (CS3D). Lors de la dernière Assemblée générale, il a fait plusieurs annonces. Afin d’en savoir un peu plus, nous avons interviewé l’homme qui, soulignons-le, parle très peu à la première personne.
©CS3D
Par Hélene FRONTIER
Sommaire
Patrick Gravey, vous êtes réélu pour un troisième mandat à la présidence de la CS3D. Qu’est-ce qui vous pousse à tenir ce rôle ?
Eh bien j’ai été membre de Commissions et vice-président pendant près de 25 ans. J’ai œuvré pendant six ans déjà en tant que président de la CS3D. J’ai donc initié un certain nombre de choses dans mes deux derniers mandats que je voudrais continuer. Il me semble qu’il y a encore beaucoup à faire.
Et puis, il y a aussi une autre raison. Être actif à la Chambre syndicale 3D prend du temps. Jusqu’à maintenant, je n’en avais pas beaucoup parce que je suis patron d’une petite entreprise. Mais je me suis structuré pour disposer de plus de temps. Donc je pense que je vais pouvoir être plus utile à la profession pendant les trois années à venir.
Qu’avez-vous initié à la CS3D, Patrick Gravey ?
Il faut dire déjà que de gros travaux avaient été entrepris lors de la présidence de Marc Esculier, qui m’a précédé. Il s’agit notamment du Certibiocide. Pour ma part, il s’agit des travaux concernant les formations, la loi Elan, le nouvel accord avec le ministère du Logement sur les punaises de lit…
Nous avons aussi créé le Comité Scientifique, technique et réglementaire avec le vice-président Jean Paul Dufrenne et la secrétaire générale Brigitte Guillot. Ce comité demande à vivre et à se structurer davantage. Il sera, je l’espère, d’une grande aide pour tous nos adhérents dans leur quotidien et c’est un outil qui nous permettra aussi d’être plus crédibles.
Nous avons aussi réalisé des efforts pour que la Chambre syndicale ne soit pas uniquement un « syndicat de gros » mais un syndicat ouvert à toutes les sociétés. Cela a été chose faite puisque nous avons eu une forte progression du nombre d’adhésions.
Et dans la droite ligne de cette dernière remarque, nous voudrions à présent que tous les adhérents de la Chambre syndicale tirent la profession vers le haut. Nous souhaitons que le fait d’appartenir à la CS3D soit un gage de qualité. Et ceci doit se refléter dans nos conditions d’adhésion.
Oui, d’ailleurs, les adhérents de la CS3D devront à partir du 1er janvier 2024 être certifiés CEPA, condition sine qua non de votre réélection. C’était un pari risqué ?
C’était un pari risqué mais ça va dans la droite ligne de ce que je te disais tout à l’heure, à savoir : tirer la profession vers le haut. À chaque fois que nous sommes en relation avec les institutionnels, les autorités, les ministères, les professionnels, et même avec la presse grand public… Ils nous demandent tous : pourquoi faire appel aux adhérents de la CS3D ? Qu’est-ce qui nous prouve qu’on peut leur faire confiance ?
Donc tirer la profession vers le haut est nécessaire. Aujourd’hui, nous n’avons plus d’agrément d’entreprise. Nous l’avions auparavant avec le phyto, et nous l’avons perdu avec le biocide. C’était, à mon sens, quand même un recul. Et nous devions agir. Cette certification est d’application facultative, elle n’est pas obligatoire vis-à-vis du législateur. Mais je pense que les autorités salueront le fait qu’on la rende obligatoire pour nos adhérents. Et cela entraînera des répercussions positives pour nous, entreprises de lutte antiparasitaire.
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Que pensent vos détracteurs, sur cette question du CEPA Certified® ?
Ils pensent que c’est encore une contrainte supplémentaire. Ils pensent que ça va coûter de l’argent. Ce sont les deux principales motivations des « détracteurs », comme vous les appelez.
Que leur répondez-vous ?
Pour ce qui est des contraintes supplémentaires, il faut savoir que la certification CEPA ne fait que valider ce que tous les professionnels qui font du bon travail font déjà. Simplement, ils auront besoin de le formaliser un petit peu plus. Mais ce n’est pas une usine à gaz. Nous avons eu bon nombre d’expériences qui le démontrent. Je suis moi-même dans une petite entreprise qui a été la première certifiée en France.
Ce n’est pas très contraignant. Cela nous permet de cadrer les choses dans notre entreprise. Cela nous permet de visualiser des choses qu’on n’avait pas le temps de faire avant dans nos entreprises. Le CEPA Certified® ne fait que formaliser ce que l’on fait déjà. Et il prouve que nous sommes capables d’effectuer un travail de qualité.
La deuxième chose, c’est le prix. Je l’ai annoncé lors de l’Assemblée générale. Avec les organismes certificateurs, nous sommes en train de valider des tarifs qui soient beaucoup plus accessibles pour les PME et TPE. Dans l’état actuel des choses, qu’une entreprise ait 300 salariés ou zéro, le prix est le même. Mais cela va être largement modifié dans les jours qui arrivent.
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Mars 2019 a sonné le glas pour l’appâtage permanent avec les rodonticides. Plusieurs adhérents vous ont alors fait des reproches. Que vous reprochaient-ils ?
On nous a reproché de ne pas avoir anticipé les choses. Et entre nous, on nous reproche maintenant d’aller trop loin dans nos demandes auprès des ministères sur cette question !
Je ne peux malheureusement pas m’avancer… Mais je pense qu’il y aura peut-être des nouveautés avant la fin de l’année dans ce domaine-là. Je pense vraiment qu’on arrivera à obtenir quelque chose. Ça ne sera pas le rétablissement total de l’appâtage permanent, je ne pense pas que ce soit possible. Mais il y aura peut-être des adaptations.
En tout état de cause, notre métier doit changer. Lors de mon discours d’ouverture pour l’Assemblée générale, j’ai parlé de profession autonome. Nous sommes d’accord pour faire de la lutte raisonnée. Nous sommes d’accord pour faire de l’appâtage non toxique… Mais nous avons besoin de latitude afin de pouvoir travailler en fonction des risques.
La gestion du risque nuisible est notre leitmotiv. Aujourd’hui, nous avons à disposition de multiples méthodes pour gérer le risque nuisible. Et je veux que nous ayons un plus grand pouvoir pour décider nous-mêmes notre façon de traiter et de gérer les nuisibles. Et il faut aussi bien sûr que nous ayons des professionnels formés. C’est pourquoi nous mettons en avant les formations.
Depuis longtemps, Monsieur Gravey, vous martelez votre souhait de tirer la profession vers le haut. Que faudrait-il qu’il se passe, idéalement ?
Tout ce que nous mettons déjà en place ! Le Certibiocide était un balbutiement. Désormais, ce sont les CQP applicateur et CQP décideur qui tirent la profession vers le haut. L’idéal serait un vrai apprentissage de la profession.
L’apprentissage est compliqué à mettre en œuvre parce qu’en nombre de salariés, nous sommes une petite profession – il y a peut-être 12 000 salariés en France.
Et puis, éventuellement, et on revient à la question du CEPA Certified®, il faut que l’entreprise qui accueille des salariés ait une certification qui les oblige à observer un certain nombre de règles…
Nous sommes fin 2024. Quels sont les grands moments de vos 9 années d’exercice à la Présidence de la CS3D ?
Déjà beaucoup de plaisir et beaucoup de passion d’avoir travaillé pour la profession. Je retiendrai les choses qui ont bougé, une profession qui évolue, qui change. Et puis ce que j’ai initié lors de la dernière Assemblée générale serait un aboutissement. Nous mettrons tout en œuvre pour réussir.
Aujourd’hui, beaucoup de gens sont très impliqués dans les travaux de la CS3D. Je parle du personnel permanent comme le secrétariat général, les membres de différentes commissions – la Commission sociale, la Commission communication, etc. Tous les gens qui nous aident (les fournisseurs, les formateurs…) sont des gens que nous avons vraiment fédérés autour de nous et c’est très important pour moi.
Et puis évidemment je mettrais aussi les moments de convivialité avec mes collègues !
C’est votre dernier mandat semble-t-il. Vous avez envie de passer le flambeau ?
Je n’en sais rien, ça dépendra de la conjoncture et de mon grand âge (rires). J’essaierai, au terme de ces trois ans, de mettre en place un successeur. Mais pour l’instant, c’est prématuré !
Si vous pouviez lancer une bouteille à la mer, pour la profession, quel message contiendrait-elle ?
Cette profession est une belle profession. C’est une très, très belle profession. Il faut la valoriser. Le gestionnaire du risque nuisible doit être reconnu par les autorités, par les professionnels et par les particuliers.
Il faut que demain, les gens se disent : ces professionnels connaissent leur métier, ils connaissent les insectes, ils connaissent les rongeurs, ils connaissent les bactéries et les virus ; ce sont des gens qui sont capables de faire des vrais diagnostics, de conseiller dans tous les domaines. Et puis nous devons aussi avoir de bonnes relations avec le ministère de la Santé, le ministère de l’Environnement, le ministère de l’Agriculture.
Je pense qu’on peut lancer une bouteille à la mer là-dessus. Il y a encore un long chemin à faire mais ça commence à prendre forme. Et je pense qu’on y arrivera !
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