La lutte alternative, inefficace et trop chère, vraiment ?
Article mis à jour le 9 septembre 2024
Temps de lecture estimé : 5 minutes
C’est un réel plaisir de vous retrouver sur le podcast de Hamelin.info, le média indépendant spécialisé dans la lutte antiparasitaire. Le thème général de ce podcast porte sur les méthodes de lutte alternative, et notamment leur efficacité. Nous sommes en compagnie de Christophe Juif, directeur général de Biocinov, Benoît Cottin, entomologiste et gérant de LGH, et Romain Lasseur, dirigeant d’Izipest et d’Izinovation.
Par Hélene FRONTIER
Dans ce premier épisode, nous parlons de ce que beaucoup d’utilisateurs invoquent lorsqu’ils expliquent pourquoi ils n’utilisent pas, ou peu des méthodes alternatives… Eh oui car même si la lutte intégrée prévoit la gestion raisonnée des espèces nuisibles – c’est-à-dire une utilisation très limitée et en dernier recours des méthodes chimiques – certains sont réfractaires et pour cause. Ils disent que les méthodes alternatives, ça coûte cher et que c’est moins efficace !
Sommaire
La lutte alternative n’est ni plus chère ni moins efficace
Selon Christophe Juif, et d’après les retours d’expérience, la lutte alternative est effciace, selon lui. A condition que les méthodes soient employées selon le bon usage et à bon escient. Quant au coût, pour l’essentiel d’entre elles, c’est exactement la même chose. Globalement, il faut regarder l’investissement sur un temps donné. Par exemple pour les rongeurs, le prix d’acquisition peut être en effet important. Mais comme le produit va durer entre 7 et 10 ans, le prix initial du produit est complètement compétitif dans le temps.
La connaissance des espèces nuisibles permet une lutte alternative efficace
Selon Benoît Cottin, l’alternatif est avant tout l’alternatif au chimique. À la base, la connaissance des espèces nuisibles est importante. Avoir ce back ground scientifique permet d’identifier des choses simples et de faire du non-chimique. Il y a en effet des méthodes alternatives qui ne sont pas onéreuses. Mais le piégeage représente tout de même un coût. L’investissement sur le long terme est un bon argument, certes. Mais les prestataires n’ont pas forcément des contrats de 7 à 10 ans…
Ne pas rejeter en bloc la chimie au profit des méthodes alternatives
Pour Romain Lasseur, la lutte alternative consiste souvent à rejeter en bloc ce qui s’est fait jusque-là : la chimie. Or, chaque solution a sa situation d’utilisation. Et dans bien des situations critiques sur le plan sanitaire, la chimie classique ou naturelle garde un intérêt. L’alternatif, c’est tout ce qui va pouvoir remplacer la chimie. Il s’agit de méthodes physiques comme le piégeage, ou de méthodes mécaniques comme la terre de diatomée.
Il faut aussi prendre en compte pourquoi la société recherchent des méthodes alternatives plutôt que des solutions de chimie de synthèse. C’est essentiellement vis-à-vis de la dimension environnementale. Et c’est également en raison de la souffrance animale qui est générée derrière. On part du principe que les produits chimiques ont deux défauts. Ils font souffrir les animaux et potentiellement on en met partout dans l’environnement. Cela n’est pas forcément vrai. Et ce n’est pas parce qu’on se fait plaisir intellectuellement à mettre en place des solutions alternatives qu’elles seront indemnes de souffrance animale et qu’elles seront forcément intégrées sur le plan environnemental.
Il faut se former aux méthodes alternatives
La chimie de synthèse avait l’avantage de pouvoir compenser un manque de formation de la part des prestataires de lutte antiparasitaire sur le terrain. On partait du principe qu’on réglait tout au bazooka. Mais aujourd’hui, il va falloir que le prestataire devienne un sniper car la fenêtre de tir est plus réduite. Le technicien hygiéniste doit donc s’adapter.
Ce qui a changé aujourd’hui c’est la sociologie des clients. Le passage de la chimie classique méthodes alternatives est un indicateur global du passage du pest control au pest management. Le technicien va avoir un certain nombre de solutions intégrées sur le plan environnemental à sa disposition. Mais il va devoir monter en compétences sur les conseils qu’il apporte pour pouvoir aménager le milieu et le rendre inhospitalier.
Les solutions alternatives sont surtout demandées par les clients
D’après Christophe Juif, quelques applicateurs sont très volontaristes sur l’usage des solutions alternatives et très demandeurs. Mais ce n’est pas la majorité. Pour la grande majorité, c’est parce que leur client s’interroge beaucoup plus aujourd’hui. Il demande directement au technicien hygiéniste quels produits il applique. Ou alors très en amont, son cahier des charges stipule qu’il ne souhaite pas le recours aux produits chimiques. L’applicateur est donc obligé de se remettre en cause.
La formation est clé parce que le produit ne fait pas tout. Le bon diagnostic, la bonne compréhension de la problématique et la bonne connaissance du nuisible font 80% du travail. La solution fera les 20% restants.
De plus en plus de techniciens utilisent les solutions alternatives pour satisfaire leurs propres convictions
D’après Romain Lasseur, les formateurs ont de plus en plus fréquemment affaire à des techniciens hygiénistes qui ont des convictions. Certes les applicateurs répondent aux convictions de leurs clients. Mais certains ont aussi leurs propres convictions sur la nécessité de protéger l’environnement, de porter des EPI, de ne pas en mettre partout…
De plus en plus de techniciens militent donc en faveur de solutions qu’ils souhaitent mettre en œuvre y compris pour leur propre satisfaction personnelle en tant qu’applicateur et pas forcément parce qu’ils ont besoin de facturer des clients.
Benoît Cottin ajoute que dans l’absolu, les techniciens hygiénistes sont des professionnels. Et par conséquent, en tant que PCO, notre métier, c’est de cibler. L’environnement, les animaux non-cibles, l’humain et les biens humains, c’est primordial.
À lire également : Lutte intégrée contre les nuisibles
Un grand merci à nos trois participants Benoit Cottin de LGH, Christophe Juif de Biocinov, et Romain Lasseur d’IZIPest