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Végétaliser la ville : quels impacts en termes de nuisibles ?

Piste cyclable bordée de fleurs sauvages, respectueuse de l'environnement dans une ville végétalisée
©Elena Dijour

En novembre 2022, le réseau Vectopole Sud et l’Anses ont organisé le séminaire Vecteurs et ravageurs, contrôle et biodiversité. Il a eu lieu à Montpellier. À cette occasion, les participants ont réfléchi à la végétalisation des espaces urbains et d’une manière plus générale, à la biodiversité en ville. L’occasion pour nous de faire un compte-rendu partiel de l’événement…

Par Hélène Frontier

Nature en ville et nuisibles : quel est le rapport ?

D’après de nombreux travaux de recherche, l’émergence ou la réémergence de maladies à transmission vectorielle (paludisme, fièvre du Nil Occidental, virus Usutu…) est en corrélation avec la perte de biodiversité. Cependant, l’introduction d’une certaine biodiversité en ville semble avoir un impact sur ces maladies.

D’un autre côté, la lutte contre les vecteurs semblent également avoir des impacts sur la biodiversité. Rappelons que les moustiques, les tiques, ou encore les pucerons peuvent transmettre des agents pathogènes aux humains, aux animaux ou aux plantes. Il est nécessaire d’appréhender ces questions.

De nouvelles stratégies de contrôle plus ciblées, sont en cours d’évaluation sur le terrain dans les territoires français ultramarins. Plus soucieuses de la préservation de l’environnement, elles ne font pas appel à des insecticides. Les deux journées scientifiques du séminaire Vecteurs et ravageurs, contrôle et biodiversité ont abordé ces thématiques.

Elles peuvent être extrapolées à la présence des rongeurs en ville. Un thème particulièrement prégnant actuellement, surtout avec la grève actuelle des éboueurs à Paris sature les demandes en dératisation ! La présence des rongeurs en zone urbaine questionne la santé publique.

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Végétalisation de la ville et santé publique

Ce sont surtout les risques vectoriels que le colloque abordait. Les scientifiques ont parlé de la dengue, du chikungunya, du Zika, du West Nile et du virus Usutu. Ils ont parlé aussi du risque vectoriel sur les plantes.

Mais il n’y a pas seulement un risque vectoriel. Il y a un risque au sens large qui concerne plus globalement la santé publique : le risque nuisible.

Vectopole Sud a indiqué en début de colloque que le mot risque pouvait être perçu de manière négative. Que nenni ! réplique à juste titre un membre de l’audience. Parler de risque est rassurant car c’est prendre en compte un potentiel problème. Parler de risque signifie qu’on est clairvoyant et mature. Refuser de nommer le risque au contraire, c’est essayer de faire disparaitre une réalité. Et comme faire face à une réalité qui n’existe pas ? N’est-ce pas là ce que propose une élue lorsqu’elle renomme le rat brun surmulot ?

La réintroduction de la végétation en ville crée des espaces favorables aux rongeurs et notamment aux rats. Si un arbre permet d’accueillir des oiseaux, un jardin partagé favorise les moustiques. Ou les rats qui se régalent des composts et creusent des terriers dans les sols.

Retenons donc que certes la nature en ville améliore les conditions de vie des humains et apporte une réponse durable à la hausse globale de la température. Mais les végétaux en ville ne doivent pas créer des problèmes de santé publique. La lutte antiparasitaire est complètement concernée par ces questions !

Végétaliser les villes pour les rendre saines, résilientes et durables

Pour Florence Fournet de l’IRD, « végétaliser les villes n’est plus un concept à interroger », tant les bienfaits de la végétalisation urbaine sont évidents. Mais il est crucial de prendre en compte et de prévoir les impacts négatifs potentiels. Elle évoque notamment les maladies infectieuses transmises par des vecteurs, qui peuvent toucher des êtres humains, des animaux et des végétaux. Il est important de les identifier à l’avance afin de pouvoir les gérer de manière proactive et limiter autant que possible leur propagation.

« Notre monde est de plus en plus urbain », continue-t-elle. Par le passé, avant la révolution industrielle, les villes étaient relativement insalubres et hostiles. « Désormais, l’objectif du développement durable est de rendre les villes inclusives, saines, résilientes et durables avec une contribution attendue pour le bien-être des populations » résume-t-elle.

Même si certaines villes ont un meilleur patrimoine végétalisé que d’autres, les espaces urbains se construisent aux dépends des espaces naturels, on le sait. L’idée est donc de renaturer les villes avec des forêts urbaines, des parcs, des arbres le long des rues, des toits et des murs végétalisés, des corridors verts, de l’agriculture urbaine et des jardins partagés.

Biodiversité en ville et risques vectoriels : que sait-on ?

Les villes ont un impact négatif sur la nature, le sol, les températures, la biodiversité et notamment sur les arthropodes. La perte de biodiversité :

Mais on ne sait pas très bien l’impact de cette réintroduction du végétal en ville. En réintroduisant de la vie, de la végétation et de la nature, on va augmenter le nombres d’espèces. Si on prend les arthropodes vecteurs, on va peut-être :

  • diminuer la part des vecteurs qui peuvent transmettre des pathogènes,
  • diversifier les hôtes et les réservoirs,
  • modifier les relations inter et intra spécifiques,
  • et donc avoir un effet de dilution qui aura un effet sur le risque de contact entre un pathogène et un hôte.

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Un travail de master a permis d’étudier comment la végétalisation urbaine peut impacter le risque vectoriel. Ce travail indique que les données sont encore trop peu nombreuses. De plus, la revue bibliographique démontre que beaucoup d’articles vont dans des sens contraires.

Damien Vieillevigne, de Cités et Territoires, a également pris la parole pour indiquer que l’architecture et l’urbanisme sont concernés par cette question du risque vectoriel. Comme tous, il a souligné la nécessité de favoriser la biodiversité. Mais il a aussi évoqué les hérésies de cette course effrénée à la végétalisation des villes.

Arbres et espaces verts urbains, des leviers pour une vie meilleure

Nous pourrions éviter entre quatre et cinq millions de décès chaque année si la population mondiale était plus active physiquement. On trouve cette donnée dans les Lignes directrices de l’OMS sur l’activité physique et la sédentarité.

Le bureau européen de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a créé le mouvement des Villes-Santé. Voici ce qu’on lit sur leur site : « Les Villes-santé favorisent la santé et le bien-être par (…) la création d’environnements urbains contribuant à l’équité et à la prospérité des habitants, et à l’investissement dans l’humain pour promouvoir la paix sur Terre. » Vaste projet !

Certaines villes placent ainsi l’activité physique et sportive comme un outil incontournable de la prévention et de la promotion de la santé. Les projets d’aménagement favorisent donc la mobilité et la pratique d’activités physiques. Les municipalités prévoient ainsi des espaces dédiés accessibles à tous. Il peut s’agir d’installations sportives, de parcs, d’arbres, de pistes cyclables, de végétation sur les toits… C’est ainsi que la promotion de l’activité physique met en évidence l’importance d’un travail interservices au sein des collectivités : santé publique, sports, aménagement, urbanisme, espaces verts…

Plusieurs données indiquent par ailleurs que le temps passé dans les espaces verts améliore la santé. « Les espaces verts et la végétalisation sont plébiscités par les habitants », déclare Nina Lemaire, du réseau français des Villes-Santé de l’OMS, lors de son intervention. « Les arbres et la nature en ville font également partie des solutions proposées pour faire face aux vagues de chaleur de plus en nombreuses avec le réchauffement climatique. » Les arbres permettent en effet une diminution de la température, et créent des ilots de fraicheur.

Quels sont les autres services rendus par les espaces verts en ville ? « Si végétaliser la ville ne permet pas une amélioration de la qualité de l’air, la littérature scientifique constate un éloignement des sources de polluants au sein des espaces verts », reprend Madame Lemaire.

La nature réduit également l’exposition au bruit. Certaines recherches semblent indiquer que la végétalisation des villes permet une meilleure cohésion sociale, même si ce critère est un peu moins évident. Elle permet une baisse de la sédentarité en favorisant l’activité physique, une baisse du stress et une meilleure concentration. Enfin les espaces verts soutiennent la biodiversité.

Il y a cependant quelques ombres au tableau, outre augmentation des insectes vecteurs et des nuisibles. Ces espaces ne sont pas bien répartis, et tout le monde n’y a pas accès. De plus, ils font augmenter le prix de l’immobilier et creusent donc les inégalités sociales.

Ainsi donc, concluons nous aussi qu’une approche intersectorielle et interdisciplinaire doit être déployée afin que la végétalisation ne devienne pas un problème de santé publique.

 

Source :  ANSES | Vectopole Sud

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