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Contrôle de la fertilité du rongeur : une méthode de lutte non létale, efficace et durable

Gros plan de bébés rats avec un rat brun femelle
©surakit

Une étude confirme que le contrôle de la fertilité des rongeurs permet de contrôler efficacement ces nuisibles. Son titre : Conséquences démographiques de la baisse de la fertilité chez les rats et les campagnols. Elle a été menée conjointement par les biologistes de la Northern Arizona University et de SenesTech. Cette société de biotechnologie est spécialisée dans la gestion de la fertilité comme moyen de lutte antiparasitaire.

Par Hélène Frontier

Le contrôle des populations de rongeurs est un problème mondial. Les rongeurs qui ne réagissent plus au traitement rodonticide complique la situation. La réduction de la fertilité pourrait aider. Mais on méconnait son efficacité, en particulier sur les populations résistantes aux rodonticides. Les modèles montrent comment les contraceptifs pour rongeurs peuvent contrôler l’expansion des populations de rats (Rattus norvegicus) et de campagnols (Microtus agrestis). Ces modèles prédisent également les réductions dans les populations de rats urbains traités avec des contraceptifs. Les résultats de l’étude confirment que le contrôle de la fertilité du rongeur est une méthode efficace de gestion des populations de nuisibles.

Le contrôle de la fertilité du rongeur doit être précoce pour être efficace

Les scientifiques ont émis deux hypothèses :

  • la réduction de la fertilité est plus efficace pour contrôler les populations de rongeurs lorsqu’elle intervient au début de la vie des femelles que plus tard ;
  • et cette réduction précoce de la fertilité est efficace pour contrôler les populations de rongeurs qui sont expansion.

La réduction précoce de la fertilité était efficace pour contrôler la croissance de la population, y compris l’expansion des populations des deux espèces : le rat brun (Rattus norvegicus) et le campagnol agreste (Microtus agrestis).

D’après les résultats de l’étude :

  • la réduction de la fécondité appliquée tôt dans la vie des femelles a diminué les taux de croissance démographique ;
  • appliquée au milieu de la vie des femelles, elle a égalisé ces taux ;
  • et appliquée tard, elle a accéléré la croissance démographique.

Ainsi, la réduction de la fertilité, appliquée tôt dans l’histoire de la vie de la femelle, sera plus efficace pour contrôler la croissance de la population de rongeurs que la réduction de la fertilité appliquée au milieu de la vie ou plus tard dans la vie.

Cette hypothèse n’est pas nouvelle, mais il n’existait pas encore d’étude explicite du contrôle de la fécondité par âge sur les populations de rongeurs. De plus, les contraceptifs pour rongeurs ont des effets spécifiques à l’âge et réversibles sur les populations traitées. Les rodonticides et les stérilisants n’ont pas cet effet.

Enfin, le contrôle de la fertilité du rongeur n’était efficace pour réduire la taille de la population que lorsqu’elle était maintenue sur plusieurs générations. Par ailleurs, elle était inefficace lorsque l’application était épisodique.

Des populations de rats qui diminuent avec le temps

On sait que les populations de rats qui sont devenues résistantes aux rodonticides augmentent en taille malgré les tentatives de les contrôler avec des méthodes létales. Les stérilisants ont été considérés comme inefficaces pour réguler ces populations. En effet, l’inertie de la croissance démographique est supposée dépasser la puissance de cette méthode pour contrôler l’augmentation de la taille de la population.

Ainsi, deux hypothèses supplémentaires ont surgi pour les applications sur le terrain du contrôle de la fertilité du rongeur :

  • au cours des traitements, la population de juvéniles diminuera,
  • et par le fait la taille globale de la population diminuera aussi.

Pour tester ces prédictions, les chercheurs ont appliqué des appâts contraceptifs pendant 12 mois sur des rats dans deux zones urbaines américaines (Washington, DC). Avant l’application du contrôle de la fertilité, ces populations avaient été traitées avec des rodonticides anticoagulants de deuxième génération pendant une durée indéterminée et avec un succès limité.

Conformément aux prévisions, ces populations ont montré des diminutions marquées de la proportion de rats juvéniles par rapport aux rats adultes. Les scientifiques ont aussi constaté une diminution du nombre total de rats dans les pièges photographiques au cours de la période d’étude.

Ainsi donc, lorsque on déploie le contrôle de la fertilité du rat urbain, les populations qui semblent ne pas répondre aux rodonticides et qui sont en expansion, diminuent en taille avec le temps.

Ces résultats appuient donc le contrôle de la fertilité des rongeurs comme méthode efficace de gestion des populations.

Stérilisation des rongeurs et risques écologiques

Le rat est un nuisible important qui détruit des cultures et propage des maladies dans le monde entier. Les méthodes de contrôle des populations de rats impliquent principalement des rodonticides anticoagulants. Cependant, on constate une mortalité généralisée parmi les prédateurs de rongeurs secondairement exposés. On constate aussi une évolution de la résistance au sein des populations de rats à ces traitements chimiques. Les populations de rats résistants à de multiples traitements chimiques existent en Europe, en Asie, en Australie et en Amérique du Nord. La résistance des rats à la lutte chimique, ainsi que celle d’autres espèces nuisibles et pathogènes, est maintenant reconnue comme l’un des problèmes les plus importants des temps modernes.

La gestion de la fertilité fait partie des tentatives récentes de contrôle des populations de rats. La plupart des études préconisent la stérilisation pour contrôler la fertilité. Cependant, les méthodes de stérilisation existantes (immun contraception et stérilisation chirurgicale) peuvent être laborieuses. Elles peuvent imposer des risques écologiques reconnus ou inconnus (stérilisation chimique, forçage génétique CRISPR-Cas9).

De plus, dans la plupart des applications, la stérilité est imposée à une fraction si importante de la population que seuls les individus non réactifs contribuent aux générations futures. Ainsi, la résistance aux stérilisants évolue pour les mêmes raisons que la résistance aux rodonticides.

Les cadres théoriques utilisés pour comprendre les effets de la stérilisation et d’autres formes de contrôle de la fertilité sur la croissance de la population de rats ont prédit que la gestion de la fertilité sera inefficace pour contrôler les populations de rats, en particulier celles en expansion.

Réduction de la fertilité des rongeurs : une méthode de lutte non létale et durable

Les résultats de cette étude indiquent que la réduction de la fertilité des rongeurs permet d’arrêter la croissance de leur population. De plus, c’est une méthode durable et non létale de lutte contre les rongeurs nuisibles.

L’objectif du contrôle de la fertilité du rongeur en général, et de cette analyse, n’est pas de réduire la taille des populations à zéro. Ainsi, la gestion de la fertilité peut réduire les populations de rongeurs à des nombres auxquels ces espèces ne sont plus reconnues comme des nuisibles.

Implications pour la résistance évoluée au traitement

En plus de leur potentiel de contrôle de la croissance démographique, les contraceptifs pour rongeurs réduisent l’opportunité de sélection favorisant l’évolution de la résistance au traitement. Comme on le sait, les rodonticides peuvent réduire considérablement la taille des populations de nuisibles. Mais ils éliminent rarement tous les individus. La plupart des survivants portent des traits conférant une résistance à un traitement ultérieur. Lorsque ces populations rebondissent, les gènes sous-jacents à la résistance s’établissent à une fréquence de population élevée. Autrement dit, la résistance au traitement évolue. L’évolution de la résistance aux stérilisants est identique à celle des rodonticides car seuls les individus qui ne répondent pas composent les générations futures.

Les contraceptifs pour rongeur réduisent également la taille des populations de nuisibles. Mais contrairement aux rodonticides et aux stérilisants, les contraceptifs préservent la fertilité individuelle ainsi que la diversité génétique au sein des populations de nuisibles. Par ce processus, les contraceptifs réduisent simultanément la probabilité que la résistance à leur utilisation évolue et augmentent la probabilité que les allèles sous-jacents à la résistance soient perdus par dérive. Ces avantages pourraient éclairer le développement de solutions durables pour le contrôle des populations de nuisibles.

Source :  Journal of Pest Science | Shuster, S.M., Pyzyna, B., Ray, C. et al. The demographic consequences of fertility reduction in rats and voles. J Pest Sci (2023) | https://doi.org/10.1007/s10340-023-01607-7

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