Anticoagulants : comment réduire le risque d’empoisonnement chez les espèces non ciblées ?
Article mis à jour le 28 août 2024
La nécessité de réduire les risques pour les espèces non ciblées, en particulier l’empoisonnement par les rodenticides anticoagulants, est une préoccupation majeure dans le domaine de la lutte contre les nuisibles. Ces rodenticides, bien que cruciaux pour contrôler les populations de rongeurs porteurs de maladies potentielles présentent un risque important pour les animaux non ciblés. Laurence Barnard, directeur national des ventes pour les solutions professionnelles et spécialisées chez BASF Pest Control, partage ses connaissances sur l’importance de la réduction des risques pour les espèces non ciblées avec les contributions significatives de l’entomologiste Benoit Cottin et de notre consultant en Pest management Vincent Ergen.
Sommaire
L’empoisonnement primaire et secondaire sur animaux non ciblés
Les rodenticides peuvent affecter les espèces non ciblées de deux manières :
l’empoisonnement primaire et la toxicité secondaire. L’empoisonnement primaire se produit lorsque ces espèces consomment directement l’appât, souvent en raison d’un stockage inapproprié ou d’un appâtage non sécurisé, et affecte parfois les animaux domestiques ou le bétail.
L’empoisonnement secondaire se produit lorsque des animaux non ciblés consomment des rongeurs qui ont ingéré le rodenticide. Elle touche généralement les prédateurs tels que les oiseaux de proie ou les charognards, et augmente avec la consommation répétée de rongeurs empoisonnés. La réduction de ces risques environnementaux relève de la responsabilité de toute personne manipulant ces produits et nécessite des mesures de précaution appropriées.
La problématique des intoxications secondaires
Exemple : lors de la présence de rongeurs en extérieur sur un site industriel ou tertiaire avec des bardages métalliques en façade. L’idée est de maîtriser ces populations de rongeurs dans un temps relativement court par traitement chimique. En parallèle on peut travailler sur des zones où les rongeurs nichent : le classique sont les bardages métalliques non étanches aux rongeurs (pas de grilles anti-rongeurs). Les rats nichent alors dans l’isolation. On travaillera également sur les ressources en eau (descentes d’eaux pluviales mal connectées, accès aux regards d’eaux pluviales, petite fuite d’eau sur un robinet…) et sur les ressources alimentaires (composteur, absence de bouchons de vidange sur les containers poubelles…). Les AVK, parfois indispensables, s’inscrivent dans cette fameuse boîte à outils. Par ces méthodes les risques d’intoxication primaires et secondaires sont diminués.
B.Cottin
L’évaluation préalable : une étape fondamentale lors de l’utilisation de rodenticides
Avant toute utilisation de rodenticides, il est essentiel de procéder à une évaluation approfondie des risques pour l’environnement. Elle permet d’identifier les voies d’exposition potentielles pour la faune non ciblée et de guider la fixation des appâts. Il est essentiel d’enregistrer les détails du site. La quantité de rodenticide utilisée et l’endroit exact où les appâts sont placés. Cela permet d’éviter l’empoisonnement par rodenticide anticoagulant.
Rodenticides anticoagulants et sécurisation des appâts
L’utilisation de boîtes inviolables et bien étiquetées pour contenir les appâts est primordiale. Un placement stratégique réduit considérablement le risque d’exposition des espèces non ciblées. Certains rodenticides peuvent être appliqués en utilisant des matériaux naturels du site pour sécuriser et couvrir l’appât en conséquence.
Choix judicieux des substances actives
Les rodenticides anticoagulants de deuxième génération sont réputés pour leur bioaccumulation, c’est-à-dire qu’ils s’accumulent progressivement dans les organismes. Chaque fois qu’un appât est ingéré, la concentration de ces produits dans les tissus corporels augmente. Cette accumulation peut conduire à un empoisonnement secondaire chez les prédateurs tels que les hiboux ou les renards qui mangent des rongeurs ayant ingéré des appâts à base de rodenticides anticoagulants de deuxième génération.
En revanche, le cholécalciférol utilisé dans certains produits ne s’accumule pas et ne persiste pas dans l’environnement, ce qui réduit le risque d’empoisonnement secondaire. Pour les appâts anticoagulants, la vitamine K reste l’antidote en cas d’intoxication primaire et secondaire, à administrer par un vétérinaire.
Concernant les antivitamines K (AVK), il est fondamental de rappeler leur mécanisme d’action. Ces substances se fixent sur la vitamine K-réductase et provoque indirectement l’inhibition de la synthèse de facteurs de coagulation vitamine K-dépendants (ex : prothrombine), avec une réversibilité variable selon le composé (par exemple, le Brodifacoum est difficilement réversible). Une attention particulière doit être accordée à la bioaccumulation des AVK, en particulier dans le foie des animaux. Cette accumulation continue peut entraîner des intoxications secondaires chez les prédateurs ou charognards qui consomment des rongeurs empoisonnés. Un tableau de DL50 unique pour différentes espèces non-cibles illustre clairement le différent niveau de risque en fonction de la substance active choisie, surtout à des concentrations aussi basses que 1% de ces valeurs.
V. Ergen, Consultant indépendant – Hyptis Consult
Petit rappel sur les AVK !
Les AVK (anti vitamine K) empêchent la régénération de la vitamine K, en agissant sur les facteurs de coagulation II, VII, IX et X. Le foie produit et stocke ces facteurs. Les AVK, comme son nom l’indique, empêchent la régénération de la vitamine K. Une fois le stock de vitamine K écoulé, l’animal intoxiqué mourra d’hémorragies internes et externes quelques jours après la prise du rodenticide. C’est pour cette raison qu’une intoxication aux AVK tue l’animal plusieurs jours après l’ingestion. Afin que les animaux cibles ne fassent pas le lien entre l’ingestion du toxique et la mort de congénères, ces propriétés sont importantes dans la lutte contre les rats.
Les AVK s’accumulent dans l’organisme permettant ainsi les intoxications secondaires. En effet des prédateurs ou des charognards (rapaces et renards essentiellement) qui consommeraient des animaux cibles intoxiqués aux AVK accumulent ces doses toxiques. La difficulté étant de repérer et d’éliminer des animaux cible sur le point de mourir ou morts (fréquence de passages, lieux ou terriers inaccessibles…)
Benoit Cottin, entomologiste LGH
Dans le cas d’une intoxication au cholécalciférol, le traitement symptomatique comprend un régime pauvre en calcium, un apport élevé en sel et en liquides, et une absence d’exposition au soleil. Il est essentiel de se référer à l’étiquette du produit pour connaître les meilleures pratiques, car chaque site nécessite une approche distincte en ce qui concerne le choix de la substance active.
“” L’appréciation des risques liés aux rodenticides nécessite une compréhension claire de la DL50 (Dose Létale 50) en prise unique (Toxicité aiguë). Cette mesure standard de toxicité doit être comparée à la dose létale en prise répétées sur 5 jours consécutifs (Toxicité subaiguë), révélant ainsi le danger accru des prises répétées en intoxication primaire et secondaires. Il est crucial de comprendre que même de faibles doses répétées peuvent mener à des conséquences graves pour les animaux non-cibles. Cette distinction entre prise unique et répétées éclaire sur la nécessité d’une utilisation plus prudente et ciblée des rodenticides pour minimiser les risques d’intoxication accidentelle.
Vincent Ergen – Hyptis Consult
Élimination rigoureuse des rongeurs morts
Il est essentiel de rechercher et d’éliminer fréquemment les rongeurs morts tout au long du processus de traitement. Cela permet de réduire un empoisonnement secondaire. Éviter la présence de cadavres accessibles à la faune sauvage et domestique réduit considérablement les risques. Toutefois, dans les zones à haut risque déterminées par une évaluation des risques environnementaux une surveillance continue sous forme d’appâts peut être nécessaire pour prévenir une éventuelle ré-invasion. Pour les autres zones, une surveillance régulière à l’aide d’appâts non toxiques s’effectue tout au long de l’année. Elle s’inscrit dans le cadre d’un programme de lutte intégrée contre les nuisibles. Elle ne présente aucun danger pour les espèces non ciblées.
Les actes d’autorisations et consignes d’utilisations (SPC) imposent l’enlèvement des cadavres pendant toute la durée de la campagne. Cette obligation découle du risque important que représente les anticoagulants en intoxication secondaire chez des espèces non-cibles.
Vincent Ergen, consultant indépendant – Hyptis Consult
Lire aussi : Dans quels cas utilise-t-on des appâts non toxiques contre les rongeurs ?
Empoisonnement aux rodenticides anticoagulants : prévention des infestations
La meilleure approche pour réduire le risque pour les espèces non ciblées est d’éviter l’utilisation de méthodes de contrôle chimique dans la mesure du possible. Cela implique la dissuasion des rongeurs à s’installer sur le site. Les professionnels de la lutte contre les nuisibles doivent adopter un programme intégré. Celui-ci se focalise sur l’amélioration de l’hygiène, la réduction de l’accès à la nourriture et aux abris, et l’entretien des sites. Combinées à des inspections régulières et à une formation appropriée, ces mesures peuvent réduire considérablement le risque d’infestation.
Source : BPCA.org
Contributeurs Hamelin.info : Benoit Cottin, entomologiste à LGH
Vincent Ergen, consultant indépendant – Hyptis Consult
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