Punaise de lit : des quantités d’histamine potentiellement dangereuses
Article mis à jour le 15 avril 2024
Une équipe de chercheurs a découvert que la punaise de lit peut produire des quantités d’histamine potentiellement problématiques pour l’homme. Et voilà comment l’insecte nuisible le plus méprisé de tous devient également une menace médicale.
Par Hélène Frontier
Sudip Gaire, chercheur, et Zachary DeVries, professeur adjoint, sont des entomologistes de l’Université du Kentucky. Ensemble, ils ont dirigé l’étude portant sur les niveaux d’excrétion d’histamine chez les punaises de lit (Cimex lectularius). L’équipe a également collaboré avec des scientifiques de l’université d’État de Caroline du Nord sur ce projet. Pour l’étude, ils ont analysé les matières fécales des punaises de lit à différentes étapes de leur vie. Les résultats sont disponibles dans Journal of Medical Entomology.
Sommaire
La punaise de lit produit de l’histamine en grande quantité
Sudip Gaire et Zachary DeVries ont étudié les niveaux d’histamine chez la punaise de lit à différents stades de sa vie, au sein de différentes populations et sur des périodes de temps variables. Ils ont également observé les effets de la consommation de sang sur les niveaux de production d’histamine des parasites.
Les résultats indiquent que les punaises de lit produisent de grandes quantités d’histamine. En effet, une seule punaise produit plus de 50 microgrammes d’histamine en une semaine seulement. Dans l’hypothèse d’une infestation de 1000 punaises de lit, celles-ci peuvent ainsi produire jusqu’à 40 milligrammes d’histamine en une semaine. Cela représente plus de 2 grammes d’histamine par an. Et ce résultat ne tient pas compte de la croissance naturelle de la population ou des infestations plus importantes qui se produisent souvent dans la réalité.
« C’est une quantité que l’on peut voir en fait, et l’on ne voit ça avec aucun autre contaminant », déclare DeVries. « S’agissant des pesticides, des allergènes, ou toute autre chose dans notre maison qu’un organisme envahisseur produit, c’est toujours à des niveaux microscopiques, et non quelque chose qu’on peut réellement tenir dans sa main. »
L’histamine est un composé chimique que le corps humain produit naturellement dans le cadre d’une réponse immunitaire. Elle provoque une inflammation et permet à d’autres composés chimiques du système immunitaire de combattre un agent pathogène ou d’effectuer un travail de réparation cellulaire. Cependant, l‘histamine peut avoir des effets délétères chez l’homme. Pensez aux réactions allergiques à certains aliments, au pollen, aux moisissures ou autres. Elles peuvent provoquer des éruptions cutanées et des problèmes respiratoires, par exemple.
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De l’histamine en grande quantité et qui persiste dans les maisons infestées par les punaises de lit
Les punaises de lit dégagent naturellement des niveaux élevés d’histamine dans leurs excréments. Selon DeVries, elles utilisent l’histamine comme marqueur d’un bon endroit pour se regrouper. Lorsque ces insectes pénètrent dans les maisons, ils ont tendance à se regrouper dans les chambres à coucher où les humains endormis – leur source de nourriture – passent une partie substantielle de leur temps. Les scientifiques ont comparé les niveaux d’histamine dans les maisons avec et sans infestation de punaises de lit. Ils ont démontré que l’histamine était présente à des concentrations élevées dans la poussière des maisons infestées de punaises de lit.
« Les niveaux d’histamine dans les maisons infestées de punaises de lit étaient au moins 20 fois plus élevés que les niveaux d’histamine dans les maisons sans punaises de lit », a déclaré DeVries.
C’est une étude menée par Zachary DeVries avec la North Carolina State University qui a démontré cela en 2018 (Plos One). En outre, l’étude a également évalué comment le traitement et le temps affectent ces niveaux d’histamine. Ces niveaux d’histamine persistent pendant des mois – même si les punaises de lit ont été éliminées de la maison.
Les chercheurs ont également suivi les niveaux d’histamine au fil du temps après avoir effectué un traitement thermique professionnels. Les niveaux d’histamine n’ont pas diminué de manière significative trois mois après le traitement. Cela montre la capacité du composé chimique à persister malgré une chaleur extrême.
« Une combinaison de traitement thermique pour éradiquer les punaises de lit et de nettoyage rigoureux pour éliminer une partie de la poussière pourrait être un moyen de réduire ces niveaux d’histamine ; nous ferons de futurs tests pour le confirmer », avait alors déclaré DeVries. « Nous allons également étudier plus avant les effets de l’histamine dans un environnement intérieur, y compris l’exposition chronique à l’histamine à de faibles niveaux. »
Le sang, principal facteur de production d’histamine chez la punaise des lits
Une autre découverte importante a été le rôle que joue le régime alimentaire des punaises de lit dans la production d’histamine. Les chercheurs ont comparé la production d’histamine dans trois régimes différents :
- des punaises nourries au sang,
- des punaises nourries au sérum physiologique,
- et celui des punaises non-nourries.
Ils ont constaté que les punaises nourries au sang produisaient des quantités d’histamine « significativement plus élevées » que les autres groupes.
« Le sang est le principal facteur de production d’histamine, mais nous ne savons pas exactement comment elles produisent cette histamine », explique M. Gaire.
Punaise de lit et enjeu de santé publique
Si les punaises de lit sont un problème courant dans les foyers du monde entier, les scientifiques ne les considèrent généralement pas comme un grand risque pour la santé humaine. Certes elles piquent, mais elles ne sont pas porteuses d’agents pathogènes, d’après les connaissances actuelles
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Cependant, la question de la production élevée d’histamine soulève un nouveau risque potentiel lié à ce parasite. Les scientifiques ne connaissent pas les effets spécifiques sur la santé de l’histamine produite en dehors du corps humain comme le font les punaises de lit. Mais les entomologistes soupçonnent que le niveau élevé d’excrétion d’histamine des punaises de lit peut avoir des effets cliniques négatifs. Les effets d’une exposition aussi proche, souvent directe, à l’histamine, comme on le voit couramment dans les infestations de punaises de lit, sont également inconnus, indique DeVries.
« Ce n’est pas seulement le fait qu’elles produisent de l’histamine, mais qu’elles la produisent juste à côté de l’endroit où l’on passe le plus de temps, en général, dans nos maisons, c’est-à-dire dans nos lits ou nos chambres à coucher », explique-t-il.
Selon le scientifique, l’exposition rapprochée à l’histamine n’est pas seulement une préoccupation pour les humains. Mais elle pourrait également affecter l’industrie agricole. Les poulaillers sont un lieu commun pour les infestations de punaises de lit. En effet, les punaises vivent près des poulets dans les installations infestées.
Dans des études antérieures, les chercheurs ont constaté que l’histamine avait un impact négatif sur la production d’œufs. Mais M. Gaire indique qu’il faudra poursuivre les recherches pour déterminer l’impact spécifique de l’histamine produite par les punaises de lit sur la production d’œufs.
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Et la justice dans tout ça ?
Les communautés défavorisées doivent donc non seulement faire face aux punaises de lit, mais aussi à leurs conséquences sur la santé.
Zachary DeVries, Département d’entomologie, Université du Kentucky (USA)
Selon M. DeVries, cette recherche a également des répercussions sur la justice sociale.
« Tout le monde peut attraper des punaises de lit. Mais seuls ceux qui ont les moyens et les ressources nécessaires peuvent réellement se débarrasser du problème », explique-t-il. « Une partie importante de la population n’a ni l’argent ni les ressources pour le faire, et doit donc se débrouiller seule avec les punaises de lit », ajoute-t-il. « Les communautés défavorisées doivent donc non seulement faire face aux punaises de lit, mais aussi à leurs conséquences sur la santé. »
DeVries et Gaire affirment que si leur étude répond à des questions importantes, les scientifiques doivent approfondir leurs recherches avant de tirer la sonnette d’alarme. Pour répondre à certaines des questions, le département d’entomologie de l’Université du Kentucky prévoit de poursuivre les recherches sur le sujet. On examinera des éléments tels que :
- la distribution de l’histamine,
- les mécanismes de production d’histamine par les punaises de lit,
- la pertinence clinique de l’histamine,
- et les stratégies d’atténuation dans les maisons.
DeVries a reçu le financement de l’étude par le biais de sa bourse 2019 du National Institute of Health Director’s Early Independence Award. Elle lui a été attribuée par le ministère de la Santé, et financera des études similaires jusqu’en 2024.
Sources : Journal of Medical Entomology | University of Kentucky | Plos One
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