Usage des pesticides à la maison : l’étude Pesti’Home décryptée pour vous
Article mis à jour le 9 septembre 2024
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Pesti’home est une étude que l’ANSES a lancée. Comme son nom l’indique, il s’agissait de savoir quel usage des pesticides font les Français à leur domicile. Fin 2019, l’Agence a publié les résultats pour la France métropolitaine. Elle vient de publier les résultats pour l’Outre-mer (DROM). Une occasion de compiler les résultats…
Sommaire
En bref :
- En métropole 75% des ménages ont utilisé au moins une fois un pesticide dans l’année et dans les DROM l’utilisation des pesticides à domicile est aussi très répandue.
- Les insecticides sont les produits les plus utilisés en France métropolitaine et plus encore en Outre-mer, où le climat tropical favorise la prolifération des insectes.
- Il existe 3 profils d’utilisateurs de pesticides : les faibles utilisateurs, les forts utilisateurs et les très forts utilisateurs.
- 60 à 80 % des ménages jettent à la poubelle les produits non utilisés.
- Les stocks à domicile contiennent des produits aujourd’hui interdits.
- Les utilisateurs, globalement, ne respectent pas les précautions d’emploi et d’élimination des pesticides.
Par Hélene FRONTIER
Usage des pesticides à domicile : l’étude Pesti’home
L’étude Pesti’home concerne l’usage des pesticides pour les particuliers. Elle a été menée dans l’Hexagone entre le 5 juillet et le 12 novembre 2014 auprès de 1 507 ménages. Elle a été réalisée de février à juillet 2015 auprès de 608 ménages résidant en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Les produits concernés sont :
- des produits de protection de plantes,
- des biocides contre les insectes, les rongeurs et les parasites du bois,
- et des produits antiparasitaires à usage humain et vétérinaire.
Cette étude indique la fréquence d’utilisation des pesticides. Ainsi, il existe 3 profils d’utilisateurs de pesticides :
- les faibles utilisateurs qui globalement habitent des foyers urbains et utilisent peu de pesticides,
- les forts utilisateurs qui ont recours aux pesticides pour protéger leur animal domestique,
- et les très forts utilisateurs qui cumulent différents produits.
Usages des pesticides : les recommandations de l’ANSES
Le rapport Pesti’home met en lumière certains risques dus au non-respect des précautions d’usage des pesticides. Donc l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) publie sur son site une série de recommandations.
Il ne faut pas jeter les produits pesticides à la poubelle ni les vider dans l’évier. Il faut en revanche les déposer à la déchetterie ou à l’endroit prévu par la mairie. Pour un usage des pesticides en toute sécurité, les utilisateurs doivent lire et respecter les précautions d’emploi :
- Aérer la pièce où le produit a été utilisé avant de rentrer de nouveau dans la pièce.
- Porter des gants lors de l’utilisation si indiqué.
Pesticides : une utilisation à domicile très répandue
En France métropolitaine, 75% des ménages ont fait usage d’au moins un produit pesticide dans l’année. Dans les DROM, on compte 58,3% des ménages martiniquais, 70,1% des ménages réunionnais et 94,8% des ménages guadeloupéens.
©Serjik Ahkhundov
L’étude Pesti’home dans l’Hexagone avait permis de dégager 3 profils d’utilisateurs. Les « faibles utilisateurs » traitent peu contre les nuisibles. Les « forts utilisateurs » possèdent souvent un animal de compagnie. Ils utilisent des produits contre les puces, tiques et poux. Les « très forts utilisateurs » (ceux utilisant des pesticides plus de deux fois par semaine au moins), appliquent différents traitements de façon cumulée. Ils traitent leur jardin contre divers ravageurs et adventices, leur piscine, leur maison et leurs animaux de compagnie. Ils se protègent aussi eux-mêmes des insectes.
En Outre-mer, les insecticides et répulsifs externes et humains sont les produits les plus fréquemment employés chez l’ensemble des ménages. Les très forts utilisateurs représentent près de 1/3 des ménages à La Réunion, 1/4 en Guadeloupe, et 1/5 en Martinique.
Emploi des pesticides : les nuisibles traités
Dans l’Hexagone, 40% des ménages emploient des biocides contre les insectes volants et 28% contre les insectes rampants, d’après Pesti’home. 61% des ménages ayant un animal domestique utilisent des médicaments vétérinaires. 22% des foyers ayant un espace extérieur utilisent des herbicides et 20% utilisent des produits phytopharmaceutiques. Les répulsifs cutanés humains (contre les moustiques, par exemple) concernent 12% des ménages.
En Outre-mer, l’usage des pesticides permet au particulier de traiter plusieurs types de nuisibles : insectes volants ou rampants, rongeurs, parasites du bois, acariens, parasites externes des animaux de compagnie, maladies des plantes d’extérieur, mousses, maladies des plantes d’intérieur, poux, répulsifs et autres nuisibles. Le climat tropical favorise la prolifération d’insectes. Les moustiques, les cafards et les fourmis sont la principale cible des traitements. Plus précisément, les pesticides employés contre les insectes volants concernent surtout la Guadeloupe (83,6%) et la Martinique (40,6%). Les traitements contre les insectes rampants concernent la Guadeloupe (71,7%) et La Réunion (47,5%) en majorité.
Pesticides : des précautions d’emploi peu respectées
Dans les DROM comme dans l’Hexagone, peu de ménages utilisent des équipements de protection (gants, masques ou vêtements de protection) lorsqu’ils font usage des pesticides. En Outre-mer, les utilisateurs suivent généralement peu les précautions et recommandations d’emploi figurant sur la notice ou l’emballage des produits. La raison est souvent qu’ils ne les lisent pas ou ne les respectent pas. C’est particulièrement vrai pour l’application d’insecticides contre les insectes volants et rampants tels que les moustiques, les blattes, les fourmis ou les répulsifs employés sur le corps et/ou sur les textiles (sauf pour La Réunion).
Dans l’Hexagone, tout dépend du type de pesticide utilisé et du nuisible traité. La plupart des utilisateurs lisent tout de même la notice intérieure et/ou l’emballage. Ils respectent la dose, la fréquence d’utilisation et les recommandations. Les ménages se protègent lorsqu’ils utilisent des produits de protection des plantes et des produits contre les poux. Ils prennent moins de précaution lorsqu’ils appliquent des traitements contre les insectes volants ou rampants. Globalement, les utilisateurs n’aèrent pas non plus correctement la pièce où le produit a été utilisé, ni ne respectent le délai de réentrée après application d’un pesticide.
Des pesticides mal éliminés
L’étude Pesti’home sur l’usage des pesticides indique que dans les DROM, entre 77% et 83% des ménages stockent et utilisent au moins un produit biocide de type insecticide. Ces types de produits sont les plus fréquemment retrouvés chez les ménages, en lien avec les nuisibles cibles des traitements. Les emballages et produits sont très souvent jetés à la poubelle. Les consommateurs amènent en déchetterie moins de 10% des produits et emballages utilisés. Sur l’île de La Réunion, 60% des produits non utilisés et périmés sont jetés à la poubelle. En Martinique et Guadeloupe, ce chiffre avoisine les 80%.
©Ricochet64
En métropole, 8,3% des ménages déclarent ne pas savoir que faire avec les emballages vides après avoir fait usage d’un pesticide. Par conséquent 59% des ménages jettent à la poubelle et non en déchetterie les produits non utilisés ou périmés. Plus d’un quart des ménages, surtout des retraités, stockent au moins un produit d’usage interdit à la vente. Certains produits phytosanitaires, à l’exception des produits de biocontrôle, sont interdits d’accès au grand public depuis le 1er janvier 2019.
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Traitements réalisés par un professionnel
En métropole toujours, 11,3% des ménages ont demandé à des professionnels de réaliser des traitements pour eux. C’est en région Centre, qui inclut la capitale, que le chiffre est le plus élevé. Selon le rapport de l’ANSES, la densité de population forte accentue l’offre de traitements, et fait augmenter le nombre de ménages ayant recours à ce type de service.
3,8% des ménages stockent au moins un produit à usage strictement professionnel. Les plus nombreux à posséder ce type de produits sont les agriculteurs, qui font eux-mêmes usage des pesticides réservés aux professionnels.
Le taux de produits à usage professionnel détenus par les ménages en Outre-mer est encore plus faible. Il ne dépasse pas le maximum de 2,8 % observé en Martinique. Le recours à un professionnel est d’ailleurs peu fréquent. C’est à La Réunion qu’il est le plus élevé où 7% des ménages interrogés ont fait appel à un professionnel.
Les insecticides sont les produits les plus utilisés
Quand on observe l’utilisation des pesticides dans l’Hexagone, on retrouve principalement de biocides contre les insectes volants ou rampants, puis des médicaments vétérinaires. Viennent ensuite les herbicides et les fongicides. Puis on retrouve des répulsifs et notamment des répulsifs contre les moustiques.
Dans les DROM, les insecticides sous forme d’aérosols ou de sprays sont les produits les plus fréquemment employés. Le climat tropical favorise la prolifération d’insectes comme les moustiques, cafards et fourmis. Ces derniers apparaissent donc comme la principale cible des traitements.
Pesticide et substances actives
Les substances actives de la famille chimique des pyréthrinoïdes sont souvent utilisées dans la formulation des insecticides. L’étude sur l’usage des pesticides indique que la tétraméthrine et la perméthrine, qui appartiennent à cette famille, sont les deux substances actives les plus utilisées dans l’Hexagone. Le piperonyl butoxide (PBO) est un synergiste des pyréthrinoïdes. Ce composant est également très fréquemment retrouvé. Les extraits naturels de pyrèthre sont aussi largement présents, ainsi que le glyphosate et le fipronil.
Dans les DROM, on retrouve également des pyréthrinoïdes parmi les substances les plus souvent utilisées. On trouve en particulier de la cyperméthrine, de la phénothrine et de la tétraméthrine, des substances insecticides et répulsives. Le rapport précise qu’avec « la disparition des organochlorés et organophosphorés, les pyréthrinoïdes sont désormais les substances les plus couramment utilisées contre les insectes chez les particuliers ». Les extraits de chrysanthème, des dérivés de la coumarine et des fongicides végétaux sont également fréquents. Sans surprise, le PBO est également très fréquent.
L’étude Pesti’home pointe donc globalement l’usage des biocides par le grand public qui présente des risques. Les utilisateurs méconnaissent largement leur toxicité et ignorent fréquemment les précautions d’utilisation. S’appuyant sur cette étude, la ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne, a donc saisi l’ANSES afin d’interdire la vente en libre-service de certains de ces produits, conformément aux dispositions prévues dans la loi EGalim.
Source : ANSES
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