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Dératisation insulaire avec le protocole HELP Sarl : protéger les écosystèmes fragiles contre les rats

Iguane vert des Petites Antilles sur l'île Chancel - Martinique
©_mishamartin

Article mis à jour le 5 septembre 2024

Dans un précédent article, nous vous avons présenté le protocole INRA, qui permet une éradication complète des rats sur des îles inhabitées. Mis en place par Michel Pascal et Olivier Lorvelec dans les années 90 – 2000, il a été adapté par la société HELP Sarl en vue dératiser des îles habitées, en partenariat et avec la validation de l’INRA.

Par Hélène Frontier

L’impact des rats introduits par l’homme sur la biodiversité des îles et îlots est énorme, en particulier leur prédation sur les oiseaux et autres espèces animales et végétales. Des expériences menées sur de petites îles depuis les années 1990 ont montré leur efficacité en utilisant des protocoles d’intervention spécifiques. Nous avons ainsi détaillé dans un précédent article le protocole de l’INRA pour l’éradication des rats sur les territoires insulaires. La société HELP Sarl a construit un nouveau protocole en passant à l’utilisation unique de produit rodonticide.

Carte de localisation des 1320 postes sécurisés mis en place par l’équipe de HELP sarl sur l’îlet chancel en Martinique, contrôlés tous les 3 jours pendant la phase active | ©HELP Sarl

Pourquoi passer du protocole INRA au protocole HELP Sarl

Le protocole INRA incluait une préparation minutieuse, une approche par piégeage avant l’emploi de rodonticide, puis un suivi post-éradication. En raison de contraintes liées au caractère habité de certaines îles où l’utilisation de pièges mécaniques pose un problème en termes de sécurité des habitants et des animaux domestiques, Louis Dutouquet, de la société HELP Sarl, a adapté ce protocole, avec l’avis de l’INRA. Monsieur Dutouquet est gérant de la société HELP Sarl et a par ailleurs travaillé au Conservatoire du Littoral.

Le protocole HELP Sarl s’est révélé moins lourd que l’utilisation combinée de méthodes de piégeage mécanique et de lutte chimique. « Il nécessite en effet un effort humain moins important », explique Louis Dutouquet. Pour autant, il a montré son efficacité à plusieurs reprises. La distribution d’appâts reste précédée d’une préparation minutieuse et de mesures de protection des espèces à risque. Le protocole HELP Sarl permet donc de travailler sur des îles plus grandes et habitées, et avec moins de moyens humains.

©HELP Sarl

Notons que les deux protocoles nécessitent un contrôle et, si l’on veut faire progresser les connaissances, des suivis écologiques (inventaires) post-éradication.

Préparation de la dératisation insulaire

Il est important de considérer les conséquences de l’élimination d’une espèce invasive avant de décider de l’éradiquer. Les méthodes d’élimination peuvent avoir des effets sur des espèces non-ciblées ou vulnérables aux rodonticides.

Donc comme pour le protocole INRA de dératisation insulaire, avant toute opération, on réalise un état des lieux. Ces inventaires permettent de déterminer les espèces les plus impactées par la présence du rat et celles qui pourraient bénéficier de son éradication. Le dispositif d’inventaire est mis en place avec des pièges et des caméras infrarouges.

Des dispositifs de piégeage non vulnérants

On pose des dispositifs de piégeage non vulnérants pendant 5 nuits consécutives pour les mammifères dont le poids est compris entre 40 et 900 grammes. Et on pose des pièges INRA pour les micromammifères de moins de 40 grammes tels que les souris domestiques, les musaraignes, les mulots, les rats des moissons ou les campagnols. Cette méthodologie est mise en place sur différentes zones géographiques de l’île (zones rocheuses, pelouses littorales, versants végétalisés, versants rocheux dépourvus de végétation…). Des postes d’appâtage sont également mis en place pour tester la réaction des rats à l’appâtage et la pertinence de la lutte chimique.

Comme avec le protocole INRA, les pièges sont numérotés et cartographiés à l’aide d’un GPS et sont contrôlés chaque jour en début de journée. Les animaux capturés sont euthanasiés, conditionnés et conservés pour des analyses ultérieures. On élabore ainsi une cartographie de la répartition spatiale des captures sur les sites inventoriés.

Des caméras infrarouges

Une densité de rats trop élevée peut entraîner une réduction importante des effectifs de micromammifères, et compliquer leur détection par piégeage. Les caméras infrarouges permettent donc :

  • d’identifier la faune présente sur le site,
  • déterminer le nombre d’individus présents simultanément,
  • connaître la période d’activité des animaux en contrôlant les heures de déclenchement des vidéos,
  • d’évaluer l’interaction entre les espèces non-cibles et le dispositif de piégeage/appâtage,
  • et de mieux évaluer la présence/absence de mammifères dans différents secteurs géographiques et/ou habitats.

Dératisation des îles avec le protocole HELP Sarl

Le protocole HELP Sarl pour la dératisation insulaire utilise uniquement des rodonticides anticoagulant. De plus, il est adapté aux grandes îles habitées avec utilisation de boites d’appâtage sécurisées, fermées à clef (pour éviter les problèmes avec les animaux domestiques, les humains et les espèces non ciblées). Ce dispositif a été efficace sur des îles allant jusqu’à 240 hectares (île Hoëdic, Morbihan).

Le choix du rodonticide pour l’éradication des rats sur les îlots doit garantir l’efficacité de l’anticoagulant contre les rongeurs tout en évitant les molécules qui pourraient avoir un impact fort sur la faune locale. La molécule de seconde génération, le brodifacoum, dosé à 29 ppm, a été privilégié car il est efficace et particulièrement appétant pour le rat noir et le surmulot. La dose létale pour un rat de 350 grammes est de 3,14 grammes.

Le support sous forme de pâte est très appétent et préféré aux blocs et au blé en vrac. En effet, la concurrence alimentaire est rude sur une île habitée. Il est donc essentiel d’avoir un appât à forte appétence pour concurrencer la diversité alimentaire des rats. « Il arrive toutefois qu’on remplace la pâte par du blé emballé dans un film plastique qui est plus résistant à l’humidité et aux attaques des limaces et escargots », détaille Louis Dutouquet.

Le déploiement du dispositif d’appâtage sur l’île

Les données de consommation d’appât et d’indices de présence sont collectées et consignées quotidiennement dans un tableur Excel pour une analyse spatiale et temporelle.

Louis Dutouquet, HELP Sarl

Le déploiement du dispositif d’appâtage pour la lutte contre les rats nécessite souvent un débroussaillage préalable des zones de végétation dense. On installe ainsi progressivement les postes. Mais ces travaux nécessitent un gros effort humain. Le protocole consiste en un quadrillage de l’île avec des postes d’appâtage tous les 30 mètres, et parfois tous les 5 à 15 mètres dans les zones urbaines.

Les postes d’appâtage sécurisés contiennent une quantité d’appât prédéfinie, brocheté pour éviter sa dispersion dans l’environnement. Ils sont contrôlés tous les 2 à 3 jours et réapprovisionnés en conséquence pour que les rongeurs ne manquent jamais d’appâts.

« Les données de consommation d’appât et d’indices de présence sont collectées et consignées quotidiennement dans un tableur Excel pour une analyse spatiale et temporelle », explique Louis Dutouquet. Les données sont ensuite traitées par un Système d’Information Géographique (SIG) ce qui permet d’obtenir des cartes de répartition spatiale et temporelle des consommations d’appâts . Les taux de consommation apparaitront sur la carte avec des cercles de couleur, et permettent une interprétation visuelle et facile de la situation.

Parallèlement, on répartit des pièges photos et des caméras infrarouges en différents points du site à traiter. Cela permet de vérifier la présence/absence du rongeur dans des zones précises, mais aussi la non-interaction du dispositif d’appâtage avec des espèces non cibles.

Après l’éradication des rats sur l’île, que se passe-t-il ?

Une fois dératisée, l’île est équipée d’un dispositif anti-réinfestation aux endroits stratégiques de l’île mais aussi autour des gares maritimes continentales et sur les navires de transport de passagers et de fret. Celui-ci est ensuite contrôlé régulièrement à raison de 9 fois par an.

Un an après,  comme pour le protocole INRA, on procède à un nouvel inventaire après l’opération permettant de valider la présence/absence du rongeur et donc le succès/échec de l’éradication.

Un échec lors d’une opération d’éradication de rats peut avoir deux causes possibles :

  • la recolonisation de l’île par des individus provenant du continent, qui doit être évaluée avant toute nouvelle tentative,
  • ou la reconstitution de la population de rats à partir de quelques individus ayant échappé à l’opération précédente.

Après être intervenu sur les îles de Sein, Molène, Hoëdic, sur le banc de Bilho en Loire-Atlantique et plus récemment sur l’archipel de Cahsuey en Normandie, la société HELP Sarl vient de procéder à la dératisation de l’Ilet Chancel en Martinique. La société Phoenix Effarouchement, quant à elle, procède à l’éradication des rats sur les Iles du Ponant, au large de la Bretagne, en appliquant le protocole mis en place par HELP Sarl.

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Cartographie de la dératisation insulaire avec le protocole HELP Sarl

©HELP Sarl

©HELP Sarl

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