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Nouveaux variants du Covid 19 dans les égouts de New-York : quel lien avec les rats ? Un expert réagit

Plaque d'un egout de New-York
©Kai

Article mis à jour le 18 août 2024

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Temps de lecture estimé : 8 minutes

La presse en parle. Beaucoup de professionnels ont relayé la nouvelle. De nouveaux variants du Covid 19 ont été détectés dans les égouts à New-York. Les rats pourraient en être à l’origine. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous avons demandé à Mickaël Sage, écologue spécialiste des rongeurs et de la faune sauvage.

Auteur : Hélène Frontier

Alors que la propagation du variant Omicron laisse espérer une fin prochaine de la pandémie, une nouvelle découverte retient l’attention des scientifiques. Une étude américaine publiée dans la revue Nature le 3 février émet l’hypothèse que les rats pourraient être à l’origine de nouvelles lignées du SRAS-CoV-2 détectées dans les égouts à New-York. Qu’en est-il vraiment ?

Nouveaux variants du Covid 19 détectés dans les égouts

Des chercheurs américains ont analysé les eaux usées des égouts de New York. Ils ont identifié au moins quatre nouvelles lignées du virus du SRAS-CoV-2. Il s’agit de « lignées cryptiques » du Covid 19 non répertoriées dans les bases de données d’épidémiosurveillance. Elles montrent des mutations très rarement détectées chez l’humain depuis le début de la pandémie. Différentes hypothèses peuvent être émises incluant :

  • les mutations observées circulent chez des personnes infectées qui n’auraient pas été testées (absence de résultats dans les bases de données d’épidémiosurveillance),
  • ou bien ces lignées circulent actuellement non pas chez l’homme, mais dans des réservoirs animaux.

Les auteurs soulignent que plusieurs observations sont consistantes avec le fait que ces nouvelles lignées dérivent de l’animal et notamment les rongeurs. Les rongeurs ont pu être infectés à l’origine par l’eau des égouts ou les excréments…

Le Covid et les eaux usées : contexte

Pour tenter de prédire la dynamique de l’épidémie de Covid 19, l’Académie nationale de médecine préconise depuis mars 2020 de renforcer le contrôle des eaux usées, notamment via le réseau de surveillance national Obépine (Observatoire épidémiologique dans les eaux usées). En l’absence, à l’époque, de tests à large échelle de la population humaine, le but était d’identifier précocement les pics d’excrétion (et donc de contamination) du virus du SARS-CoV-2. En effet, si le virus est principalement respiratoire, il se réplique aussi dans le tube digestif. Son génome viral se retrouve donc excrété dans les selles qui se retrouvent dans les eaux usées. Détecter la charge virale du Covid 19 dans les eaux usées constitue donc un indicateur qui se montre fort utile en amont et en parallèle de la surveillance épidémiologique directement chez l’homme. Ceci permet d’anticiper les éventuels rebonds épidémiques et d’adapter les mesures sanitaires.

C’est dans ce cadre que des chercheurs universitaires américains ont entrepris de scruter les eaux usées de New York, et de suivre la diversité génétique du SRAS-CoV-2.

Lire également : Les rongeurs peuvent-ils transmettre la Covid-19 ?

Rien de surprenant mais…

Mickaël Sage a fait un doctorat sur l’efficacité et l’écotoxicité des rodonticides. Spécialiste des rongeurs, et plus généralement de la faune sauvage, il dirige aujourd’hui le bureau d’études Faune Innov’ R&D et est président de la société Secu-Rat. Ecologue, il a étudié les maladies transmissibles entre faune sauvage, faune domestique et humains.

Selon lui « cette nouvelle n’est pas surprenante ». Il explique : « Le réseau de surveillance établi dans plus de 150 stations d’épuration en France nous donne la possibilité de suivre presqu’en temps réel l’excrétion du Covid 19 – et d’autres virus – dans les eaux usées. Cela permet d’anticiper l’émergence de nouveaux pics épidémiques mais également de détecter l’apparition et quantifier la circulation d’un variant dans les populations humaines ».

« Il y a une concordance entre le suivi chez l’homme et le suivi dans les eaux usées », ajoute-t-il. Ainsi, il est possible de détecter des variants avant qu’on s’en aperçoive sur les tests PCR réalisés chez l’homme.

Cette étude démontre qu’on peut détecter de nouveaux variants absents des bases de données génomiques, et qui ne sont donc pas documentés. « Dans les égouts, on mesure aussi bien l’excrétion du virus chez l’homme que l’excrétion du virus par les autres habitants des égouts. Donc soit le variant circule à bas bruit chez l’humain, soit il circule chez un autre réservoir », explique -t-il. Ici, le réservoir animal le plus probable qui vit dans les égouts est le rat. Par ailleurs, plusieurs des mutations identifiées par les chercheurs américains contribuent à augmenter l’affinité du SARS-CoV-2 pour les récepteurs ACE2 (voie d’entrée du virus dans les cellules de l’hôte) des humains mais également des souris et des rats.

Pas de « menace immédiate », selon les chercheurs

D’après les auteurs de l’étude publiée dans Nature, les rats pourraient ainsi potentiellement être à l’origine du développement de prochains variants de Covid 19.

Toutefois, il ne s’agirait pas d’une menace immédiate et imminente. Pas de panique donc, car les données en termes de réservoirs animaux pour le SARS-CoV-2 semblent, jusqu’à présent, rassurantes. Les virus se caractérisent le plus souvent par leur évolution génétique constante : changements (mutations)ou suppressions (délétions) introduites dans leur code génétique.

De nombreux variants du SARS-CoV-2 circulent en France et dans le monde. Et de nouveaux variants porteurs de mutations sont régulièrement identifiés. Seuls certains d’entre eux ont un impact sur les caractéristiques de l’épidémie. En outre, il semblerait que le virus doive compter une vingtaine de mutations par rapport à la souche « originale » et se diffuser de manière massive avant d’être défini comme un variant.

Même si certaines souches du virus identifiées lors de l’étude sont d’origine humaine, les scientifiques précisent que pour l’heure, l’origine directe des nouvelles lignées détectées n’est pas connue. Par ailleurs, alors que l’infection par SARS-CoV-2 a été observée chez de nombreuses espèces (ex. mustélidés, félidés, canidés, primates non humains, cervidés et certains rongeurs), aucune preuve de la circulation du virus chez les rats n’a encore été établie. Toutefois, si cette nouvelle découverte inquiète les scientifiques, c’est bien parce que le risque de transmission rats / humains existe.

Covid 19 chez les rats : les risques de transmission aux humains

La découverte d’un nouveau variant chez les rats pourrait sembler anodine pour les humains… Mais il s’agit d’une menace qui retient l’attention des scientifiques. En effet, après son passage d’organisme en organisme, les gènes d’un virus se modifient. Celui-ci s’adapte alors aux hôtes qu’il contamine.

Chaque fois qu’un virus est présent chez des animaux (sauvages ou domestiques), un risque pour l’homme se présente. Certains scientifiques indiquent qu’il y a probablement plus d’interactions entre les humains et les rats que nous ne le pensons. Il est vrai que la contamination n’est pas uniquement et directement liée aux contacts physiques résultant d’une interaction entre l’humain et le rongeur. Les contaminations se produisent aussi lorsque les humains touchent une surface déjà contaminée par le rat.

Des contacts entre rongeurs et humains plus fréquents qu’il n’y parait

« Ce qui semble ressortir dans plusieurs articles scientifiques publiés récemment, c’est une probable concordance entre les réservoirs animaux (notamment les rongeurs) et les réservoirs humains », intervient Mickaël Sage

Les rats sortent assez facilement des égouts pour aller s’alimenter en surface, dans des containers de collecte de déchets, les corbeilles de propreté. Idem pour les zones de compostage, de plus en plus nombreuses en zone urbaine. « Et là, le transfert est facilement envisageable », indique l’expert.

C’est quelque chose qui était déjà pressenti et qui apparait notamment dans une publication de décembre 2021 sur l’origine d’Omicron, notamment chez la souris. Cette étude avait clairement mis en évidence qu’Omicron était issu de la circulation « silencieuse » du virus chez la souris pendant près d’un an, avant de revenir chez l’humain et être à l’origine des principales souches qui circulent depuis fin 2021, début 2022.

Le Covid 19 et les rats

Précisément, le projet Ratvar lancé par le consortium Emergen de Santé publique France, étudie la question de la circulation du Covid 19 parmi les murinés. Le lien entre analyses des eaux usées et recherche du virus chez les rats fait partie des principaux axes de recherche. Mickaël Sage intervient sur la phase opérationnelle terrain pour assister les équipes de recherches.

« Il faut simplement prendre en considération désormais que des variants peuvent apparaitre au bout de quelques mois après avoir circulé chez des hôtes non humains. Cela doit inciter à maintenir notre vigilance, notamment si ces espèces sont commensales de l’homme, comme c’est le cas pour la souris ou le rat. De plus ces mêmes espèces sont très exposées aux sources de contamination d’origine humaine comme c’est le cas dans les eaux usées », conclut Mickaël Sage. « Ces variants sont-ils plus dangereux, moins dangereux ? Plus transmissibles, moins transmissible ? Plus résistants ou non aux anticorps neutralisants ? Ce sont des questions auxquelles les scientifiques tentent de répondre. »

Sources : Nature | Académie nationale de médecine | Dailymail | réseau Obépine | Faune INNOV’ R&D

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