Dératisation

Augmentation mondiale du nombre de rats : sensationnalisme ou phénomène réel ?

Augmentation du nombre rats
@istock

Depuis un moment, bon nombre d’actualités et d’articles journalistiques traitent de l’augmentation générale du nombre de rats dans le monde. Certains titres et certaines données sont particulièrement frappantes. Agustín Cordobés, de la société Lokímica, se demande si cette avalanche de sujets alimente le sensationnalisme ou s’il reflète un phénomène réel… Cet article a été publié sur le blog d’ANECPLA, l’association espagnole de lutte antiparasitaire et hygiène publique. Mickael Sage, dirigeant de Secu-Rat et de Faune Innov’ R&D apporte quelques précisions.

Par Agustín Cordobés, Lokímica

Quelle part de vérité y a-t-il dans cette tendance des médias à s’alarmer de l’augmentation générale des rats dans le monde ? Existe-t-il des données réelles et fiables qui éclairent ce phénomène médiatique ? Aborder cette question d’un point de vue unique ne nous permettrait pas d’avoir une vision complète de ce qui peut se passer et de ce qui peut en être la conséquence. Je vais donc analyser 3 aspects que je considère pertinents.

De plus en plus de rats : une idée qui plait aux médias

Ceux d’entre nous qui travaillent dans le secteur de la santé environnementale (principalement ceux qui ont un contact étroit avec l’administration publique) savent combien les problèmes de nuisibles (surtout les rats) sont une arme efficace pour dénoncer certaines situations qui affectent la citoyenneté. Citons le manque de propreté, la situation d’abandon de certaines zones, les problèmes de construction dans les bâtiments… Les bagarres au sein des corporations municipales ont régulièrement pour épicentre la présence de rats ou de cafards sur la voie publique, ainsi que dans les édifices publics et privés.

Dans ce combat, les médias jouent un rôle crucial en tant que source amplificatrice de ces problèmes, qui suscitent un intérêt manifeste chez les citoyens. Cet intérêt existe en raison de la morbidité associée à des disputes acharnées entre nos pairs. Et aussi en raison du caractère hypnotique de voir des situations horribles liées à la présence d’animaux la plupart du temps socialement détestés. Cette dernière motivation semble être à l’origine, au moins en partie, de l’actualité récente autour de laquelle tourne cet article.

Réchauffement climatique augmente-t-il les populations de rats ?

Ce phénomène est une réalité soutenue par de nombreuses études scientifiques menées au fil des ans. Le réchauffement climatique a des effets évidents sur la nature, et les espèces animales ne font pas exception. L’élévation thermique et les phénomènes climatiques associés influencent la distribution de nombreux organismes, y compris les espèces menacées et d’autres considérées comme susceptibles d’occasionner des dégâts aux activités humaines.

L’augmentation des températures, a priori, influencerait principalement les populations d’insectes et autres arthropodes considérés comme nuisibles (ils sont poïkilothermes, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas capables de réguler leur température interne). Mais les rongeurs traduisent également des changements de comportement liés à ce facteur environnemental…

Lire également : Réchauffement climatique & lutte antiparasitaire

Dans le cas spécifique des rats, le phénomène le plus frappant est l’extériorisation de leurs populations. Autrement dit, ils deviennent plus visibles à l’œil humain en établissant leurs centres d’élevage (nids, ndlr) en plein air. Ou encore, tout simplement, ils fréquentent plus de voies publiques et autres espaces ouverts.

Une augmentation de densité conduit inévitablement à ce que plus d’animaux soient visibles de l’Homme.

Mickael Sage (Secu-Rat et Faune Innov’ R&D)

Cependant, il faut préciser ici que ce processus devrait se produire davantage chez le rat d’égout (Rattus norvegicus). En effet, ce dernier a une plus grande tendance que le rat noir (Rattus rattus) à occuper des niches écologiques fournies par l’homme (réseaux d’égouts, sols sanitaires, etc.). Le rat noir (arboricole), lui, est une espèce majoritairement extérieure bien qu’il occupe à maintes reprises en zone anthropisée les toitures et les faux plafonds. Ses niveaux de population augmenteraient directement du fait de l’élévation thermique globale. Les données sur son incidence dans les villes ces dernières années, du moins en Espagne, semblent pointer dans cette direction.

Le rat est donc plus présent dans des zones visibles pour l’homme (loin des réseaux d’égouts, sols sanitaires et autres abris). Cette plus grande présence accentue la perception des citoyens d’un problème qui, dans ce cas, n’aurait pas à être lié nécessairement à une population de rats significativement plus importante. Ce phénomène peut expliquer, au moins en partie, la multiplication des signalements de rats dans de nombreuses villes dont se font l’écho de nombreux médias.

D’après Mickael Sage, « une augmentation de densité conduit inévitablement à ce que plus d’animaux soient visibles de l’Homme. » Il ajoute que « les animaux les plus faibles n’ont pas leur place la nuit ou dans les zones sécurisées et se doivent donc de sortir en zone de danger. »

Plus de rats depuis la crise sanitaire due au COVID-19

Un autre facteur pouvant expliquer cet intérêt croissant pour l’incidence des rats en milieu urbain est la pandémie due au coronavirus SARS-CoV-2 et ses conséquences. En l’occurrence, l’application de mesures de confinement de la population dans de nombreux pays pour réduire la pandémie (très restrictives parfois), a généré une situation inhabituelle dans nos villes. Les rues étaient désertes et des commerces vides et sans activité. Ce fait a entraîné des déplacements de populations de rongeurs, dont beaucoup vers les voies publiques. Le manque de ressources alimentaires dans ou à proximité des établissements de restauration a précipité la recherche de nourriture et d’eau dans la rue. Ce processus a été facilité par la quasi-absence d’êtres humains dans celle-ci.

L’absence de contrôle des populations pendant ces périodes de confinement a très probablement conduit à une augmentation des populations de rongeurs.

Mickael Sage (Secu-Rat et Faune Innov’ R&D)

Par conséquent, un scénario s’est présenté avec une plus grande présence de rats sur la voie publique et, avec elle, une plus grande perception citoyenne du problème. Pensez aux longues heures d’ennui dans nos maisons où regarder par la terrasse ou par la fenêtre était une de nos principales activités…

Certes les mesures de confinement n’ont duré que deux ou trois mois dans de nombreux pays. Cependant, pendant cette période, des populations de rats externalisées suffisamment importantes ont pu se créer et ainsi alarmer le public longtemps après. Ici, la grande capacité de reproduction de ces animaux a peut-être joué un rôle crucial.

Malheureusement, il existe peu d’études scientifiques sur les suivis de densité de nuisibles urbains dans le monde (et en Espagne en particulier). Il est donc très difficile d’avoir des données fiables sur l’incidence réelle des rats à la fois localement et globalement.

Mickael Sage estime quant à lui s’il est réel que les signalements dans les jardins de rats ou d’autres espèces ont augmenté considérablement pendant les périodes de confinement, le témoignages actuels sont trop récents pour être liés à ces périodes de confinement. En revanche, « l’absence de contrôle des populations pendant ces périodes de confinement a très probablement conduit à une augmentation des populations de rongeurs », indique-t-il.

Augmentation du nombre de rats : une question de perception ?

L’augmentation généralisée du nombre de rats est probablement aussi due à une demande sociale de plus en plus grande à ne plus contrôler les populations de rongeurs.

Mickael Sage (Secu-Rat et Faune Innov’ R&D)

Dans ce contexte, les trois aspects développés dans cet article résument, de mon point de vue, une bonne partie de la situation qui a poussé les médias du monde entier à se faire l’écho de la menace des rats.

Je suis conscient qu’il existe d’innombrables situations particulières (ou plus générales) dans nos villes. Et ces situations peuvent être à l’origine de l’augmentation des demandes de régulation de rats :

  • prolifération des terrasses dans l’hôtellerie,
  • augmentation des espaces verts urbains,
  • accumulation d’ordures dans les quartiers délaissés…

Mais le facteur de la perception humaine a été, est et restera décisif.

Mickael Sage ajoute pour conclure que « l’augmentation généralisée du nombre de rats est probablement aussi due à une demande sociale de plus en plus grande à ne plus contrôler les populations de rongeurs. »

 

Source : ANECPLA

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