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Chenilles processionnaires nuisibles à la santé humaine, c’est presque officiel !

colonie de chenilles
©Ivan Yohan
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Les chenilles processionnaires du pin et du chêne devraient prochainement rejoindre la liste des nuisibles à la santé humaine. Une expertise sanitaire de l’Anses rapporte le caractère prolifique de ces espèces et leur impact sur la santé publique. Un projet de décret est donc en consultation publique jusqu’au 29 novembre 2021. Il prévoit d’ajouter les deux espèces à la liste des espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine.

Auteur : Hélène Frontier

En bref

  • Un projet de décret en consultation publique vise les chenilles processionnaires du pin et du chêne.
  • Il s’agit de les inscrire à la liste des « espèces végétales et animales dont la prolifération est nuisible à la santé humaine ».
  • D’après l’Anses, les cas d’exposition ont été multipliés par 4 entre janvier 2012 et juillet 2019.
  • 3,4% des expositions ont eu lieu au cours d’une activité professionnelle (94% des hommes et 6% des femmes).
  • La majorité des cas d’exposition (96,3%) sont de gravité faible.
  • Dans 3,5% des cas, la gravité est moyenne. Les symptômes nécessitent une prise en charge médicale immédiate voire une hospitalisation.
  • Seuls deux cas de gravité forte ont été rapportés suite à une exposition orale pour le premier cas et cutanée pour le second.

Les chenilles processionnaires, officiellement nuisibles à la santé humaine ?

La Direction générale de la santé a décidé d’inscrire les chenilles processionnaires du pin (Thaumetopoea pityocampa) et les chenilles processionnaires du chêne (Thaumetopoea processionea) à la liste réglementaire des « espèces végétales et animales dont la prolifération est nuisible à la santé humaine ».

Le ministère des Solidarités et de la Santé a donc ouvert une consultation publique sur le projet de décret modifiant ladite liste (Art D. 1338-1 CSP).

Cependant, il ne s’agit pas de modifier les mesures susceptibles d’être prises pour prévenir l’apparition ou lutter contre ces espèces. Les contributions sont à adresser avant le 29 novembre 2021 à DGS-EA1@sante.gouv.fr.

En effet, les chenilles processionnaires du pin et du chêne émettent des poils urticants. Des expositions cutanées, respiratoires et/ou oculaires à ces poils peuvent entraîner des réactions urticariennes ou allergiques chez l’homme. Et en cas de pullulation, l’impact sanitaire peut être significatif. Ainsi, ces chenilles urticantes constituent un enjeu de santé publique dans les zones où elles sont présentes. Et dans un avenir proche, elles pourraient le devenir dans des zones encore indemnes.

Actuellement, les produits de lutte contre les chenilles urticantes sont homologués dans le cadre de la protection des plantes. Cela veut-il dire que le  Bacillus thuringiensis kurstaki (Btk) pourra enfin être homologué pour une utilisation en biocides ?

Contexte : l’expertise sanitaire de l’Anses

L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a analysé les cas d’intoxication par des chenilles processionnaires entre janvier 2012 et juillet 2019. Ainsi, le nombre de dossiers annuels d’intoxication associés aux processionnaires « a été multiplié par 4 de 2012 à 2018 » passant de 44 à 178 dossiers.

Cette étude, réalisée en collaboration avec le réseau des Centres antipoison (CAP), a permis déterminer l’ampleur du problème sanitaire. Les résultats sont consultables dans Vigil’Anses de novembre 2019. Dans ces 5 pages, on retrouve un résumé des données sur la saisonnalité et la répartition géographique des expositions. Il fait également état du profil des victimes, le type de contact, ainsi que des symptômes.

En outre, le Rapport d’étude de toxicovigilance, Groupe de travail « Vigilance des toxines naturelles » est plus complet (78 pages). Il décrit plus en détail les expositions aux chenilles émettrices de poils urticants, notamment :

  • leur évolution dans le temps et l’espace,
  • les circonstances d’exposition,
  • les populations vulnérables.

Il propose également des mesures de prévention.

Chenilles processionnaires : les expositions professionnelles

Fait intéressant, le Rapport d’étude de toxicovigilance analyse les cas professionnels d’intoxication par des chenilles processionnaires entre janvier 2012 et juillet 2019.

Ainsi, parmi tous les cas recensés pendant cette période, 3,4% des expositions à des chenilles processionnaires ont eu lieu au cours de l’exercice d’une activité professionnelle.

En l’occurrence, les professions recensées sont : paysagiste, élagueur, jardinier, employé municipal ou communal, gendarme, militaire, agent d’entretien, professionnel de la lutte contre les chenilles processionnaires, éducateur, maçon, employé de pépinière, employé de crèche, moniteur d’accrobranche, instituteur et égoutier.

« Il s’agissait d’hommes dans 94% des cas (16 cas) et de femmes dans 6% des cas (1 cas). Les personnes étaient âgées de 16 à 55 ans. » La voie d’exposition cutanée, seule ou associée à une autre voie, était la plus fréquente, suivie de la voie oculaire, et respiratoire. « Le mode d’exposition était le plus souvent indirect (82% des cas professionnels à risque d’exposition à des chenilles processionnaires). »

Lire également : Les EPI : ce que le technicien hygiéniste doit savoir…

Les cas graves d’expositions aux chenilles processionnaires

Selon le Rapport d’étude de toxicovigilance, la majorité des cas d’exposition symptomatiques (96,3%) était de gravité faible. Dans 3,5% des cas, la gravité était moyenne. Les symptômes nécessitaient tout de même une prise en charge médicale immédiate voire une hospitalisation. Heureusement, aucun décès n’a été observé pendant la période d’étude.

On lit cependant que l’un des cas de gravité forte est celui d’un enfant de 3 ans sans antécédent connu. Il a « mangé » une chenille processionnaire du pin dans le jardin. Voici ce que le rapport indique : « L’enfant a présenté une irritation cutanée du cou, un important œdème lingual et labial avec hypersialorrhée, et anorexie ayant justifié une hospitalisation en pédiatrie, un traitement par corticothérapie intraveineuse, antihistaminiques, aérosol d’adrénaline, et une alimentation parentérale. L’hospitalisation a duré deux jours avec persistance d’un léger œdème lingual et labial à la sortie. »

Le deuxième cas de gravité forte concerne un homme de 51 ans allergique aux hyménoptères. Il a « reçu sur le cou des cocons de chenilles processionnaires alors qu’il se tenait au bord d’une piscine (exposition indirecte). Après s’être douché, l’homme s’est présenté à l’hôpital avec une dysphonie, une dysphagie et une urticaire géante ayant justifié un traitement par corticoïdes, antihistaminiques et aérosol d’adrénaline. L’évolution a été favorable sous traitement. »

Les cas d’expositions collectives aux chenilles processionnaires

Par ailleurs, il est à noter que plusieurs (14) expositions collectives ont été recensées. Il s’agissait d’expositions à des chenilles processionnaires du chêne pour 7 d’entre elles, à des processionnaires du pin pour 6 autres. Ces expositions collectives ont eu lieu dans plusieurs endroits : structure collective de loisirs ou de vacances (camp scout, centre de loisirs avec ou sans hébergement), crèche, école primaire, parc, nature, et au domicile.

Espèces dont la prolifération est nuisible à la santé humaine

L’article 57 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, aborde la « Lutte contre les espèces végétales et animales nuisibles à la santé humaine » (Chapitre III). Ainsi, un décret « fixe la liste des espèces végétales et animales dont la prolifération constitue une menace pour la santé humaine ». En outre, il définit les mesures qui pourraient prévenir leur apparition ou lutter contre leur prolifération. Ce décret prend en compte l’avis du Haut Conseil de la santé publique, du Conseil national de la protection de la nature et du Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale.

A ce jour, le décret d’application n° 2017 645 du 26 avril 2017 fixe une liste de 3 espèces dont la prolifération est nuisible à la santé humaine. Ce sont uniquement des espèces végétales :

  • Ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia L.),
  • Ambroisie à épis lisses (Ambrosia psilostachya DC.),
  • Grande herbe à poux, ou ambroisie trifide (Ambrosia trifida L.).

« L’inclusion dans le décret rend l’élaboration d’arrêtés préfectoraux obligatoires et ainsi la création de mesures de lutte cohérentes entre les territoires, et ce en fonction du taux d’infestation », a indiqué le Ministère de la transition écologique et solidaire dans le JO Sénat du 20/06/2019 (page 3258).

A juste titre, un article de Dorothée Laperche paru dans Actu Environnement souligne que « les chenilles processionnaires concernées sont originaires d’Europe ». Le ministère de la Transition écologique ne peut donc pas les réglementer au titre des espèces exotiques envahissantes.

La journaliste ajoute enfin que l’arrêté du 31 juillet 2000 (ministère de l’agriculture) rend obligatoire et permanente la lutte contre la chenille processionnaire du pin, uniquement à La Réunion. « Il impose, en revanche, sur le territoire métropolitain la lutte contre la chenille processionnaire du chêne, mais sous certaines conditions », indique-t-elle pour conclure.

Lire également : Sécurité au travail : qu’est-ce qu’un risque, pour le professionnel 3D ?

 

Sources : Code de la santé publique | ministère des Solidarités et de la Santé | ANSES | Vigil’Anses de novembre 2019 | Actu Environnement

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