Le 21 novembre 2022, Pierre Falgayrac est décédé à l’âge de 62 ans. Un lourd silence pèse autour de cette disparition tandis que l’homme était fort connu dans le monde de la dératisation. Invité régulier des plateaux télé, il était notamment l’auteur du célèbre Grand guide de lutte raisonnée contre les nuisibles ou bioagresseurs urbains.
Par Hélène Frontier
Pïerre Falgayrac dans Versus | Les rats sont-ils nuisibles en ville ?
Pierre Falgayrac, spécialiste de la lutte raisonnée contre les rats
Il militait librement pour ses idées.
Jean-Yves Perroux, Ensystex
Pierre Falgayrac était ingénieur, expert en hygiène et sécurité. Sa carrière professionnelle a commencé dans les années 80, lorsqu’il a fondé son entreprise de propreté et de 3D. Il était également professeur de biotechnologies dans des lycées professionnels.
En 1991, il a aussi lancé son activité de formateur. Puis en 1994, il s’est dédié exclusivement à la formation professionnelle. Sur le net, on lit qu’il comptait parmi ses clients le Royaume du Maroc, la Principauté de Monaco, des dizaines de villes et industries agroalimentaires et plus d’une centaine d’entreprises de services.
Pierre Falgayrac était un spécialiste de la lutte raisonnée contre les rats. Depuis la création de sa société de lutte antiparasitaire à son organisme de formation sur les questions de dératisation, désinsectisation et désinfection, il a donc produit des connaissances approfondies sur les rats et leur gestion.
Il a ainsi publié Des rats et des hommes en 2013. Il est aussi l’auteur du Grand guide de lutte raisonnée contre les nuisibles ou bioagresseurs urbains. Il a décliné ce dernier en plusieurs Manuels spécialement consacrés à la lutte anti-nuisibles en milieu industriel, dans les industries agroalimentaires (IAA), dans l’hôtellerie et la restauration.
Avec son livre, il nous laisse des informations particulièrement utiles à tous.
Jean-Michel Michaux, ISTAV
Des professionnels lui rendent hommage à nos côtés
Jean-Michel Michaux, de l’ISTAV (Institut scientifique et technique de l’animal en ville), déclare à son sujet : « Pierre était un homme passionné par la vie des rats et des méthodes pour arriver à maitriser les populations. Il avait un vrai sens de l’observation qui lui a permis d’intervenir auprès de différentes grandes villes comme Marseille. Un accident grave de moto l’a conduit à être en grande partie paralysé et malheureusement à limiter sa capacité d’intervention. Avec son livre, il nous laisse des informations particulièrement utiles à tous. »
Des rats et des hommes, Pierre Falgayrac | ©Amazon (DR)
Jean-Yves Perroux, d’Ensystex Europe, évoque quant à lui un homme au contact « plutôt direct » et qui avait « des convictions qu’il était capable de défendre. » « Pourquoi avons-nous fait appel à lui pour former nos équipes ? continue-t-il. Parce qu’il possédait une immense culture sur le sujet des rats et des hommes – le titre de son livre – construite à force de collecter et de lire tout ce qu’il était possible de collectionner sur les rongeurs et leurs interactions avec l’homme. Parce qu’il militait librement pour ses idées. Ainsi, Pierre a été l’un des premiers à traiter le sujet des rongeurs dans sa globalité, intégrant les prestataires de services, les fabricants de produits biocides, mais aussi les pouvoirs publics, les scientifiques et les professions périphériques. Ce recul et cette indépendance lui ont permis de tracer les contours de ce que l’on appelle aujourd’hui la lutte raisonnée. »
La lutte raisonnée défendue avec virulence
Pierre Falgayrac était l’un des défenseurs emblématiques de la lutte raisonnée contre les nuisibles. D’ailleurs, s’agissant des rats, il ne considérait pas ces derniers comme des nuisibles mais comme des simples animaux commensaux.
Pour lui, les rats font partie de notre vie depuis longtemps et ont une place dans notre culture. Mais leur propension à ronger est source de dégâts. Toutefois, il pensait qu’il est possible de vivre en harmonie avec eux si on les connait mieux. Leur régime omnivore et leur tempérament craintif et discret en font des partenaires théoriquement idéaux pour éliminer une partie de nos déchets comestibles. Il estimait que l’inculture générale sur les espèces a des conséquences graves. Et ne se dispensait pas de le faire savoir.
D’ailleurs, l’homme a vivement critiqué l’inefficacité stratégique de la dératisation pratiquée par de nombreux professionnels du domaine. Il les qualifiera de « poseurs de boîtes en grand nombre » qui cherchent à « rassurer les clients comme eux-mêmes ». Et il déplorera leur manque de connaissance réelle sur la nature des rats.
Pour limiter les opportunités de nuisance des rats, et vivre en harmonie avec eux, il faut bien les connaître et adapter notre mode de vie en conséquence, disait-il. Sortir les ordures en fin d’après-midi, colmater les passages potentiels, protéger les installations électriques, utiliser des poubelles hermétiques… Et mieux comprendre les réalités de la biologie et du comportement des rats.
Il préconisait donc une approche de lutte raisonnée contre les rats qui prend en compte à la fois leur utilité et les dommages qu’ils peuvent causer. Pour ce faire, il suggérait de sensibiliser le public à mieux connaître cet animal souvent mal compris, tout en adoptant des mesures pour limiter leur accès à la nourriture et en utilisant des quantités minimales de produits rodonticides.
Réguler le nombre de rats par habitant
Le nombre exact de rats, on ne peut pas le savoir.
Pierre Falgayrac
Le rat peut causer des maladies s’il y a une promiscuité entre eux et les humains, comme l’hépatite E. De plus, ils peuvent causer des dégâts sur les installations électriques et les infrastructures routières. Bien que les rats ne soient pas nos ennemis, ils ne sont pas non plus nos amis. Et leur population doit être régulée en dessous d’un seuil de nuisance, soit moins d’un rat par habitant.
Pierre Falgayrac a en effet été l’un des seuls à avoir tenté de quantifier les rats urbains. Vaine entreprise d’ailleurs, puisqu’il a à plusieurs reprises été contredit sur ces questions, les professionnels s’accordant à peu près tous à dire que cette quantification était impossible. Elle répond très probablement à une demande des médias, toujours en quête de chiffres pour faire les titres à sensation dont ils sont tous si friands. Pierre Falgayrac précisera d’ailleurs lui-même que « le nombre exact de rats, on ne peut pas le savoir. »
De son estimation à Marseille, Pierre Falgayrac tire comme conclusion qu’il y aurait « il y a entre 1 et 2 rats par habitant en cœur de ville, selon la politique de gestion des déchets et l’état des égouts » et ainsi « entre 1,5 et 1,7 rat par habitant dans les villes ayant un système d’égouts ancien et non bétonné et une bonne gestion des déchets ». Il estime donc à l’époque à « 3,5 voire 4 millions » la population de rats à Paris.
Pierre Falgayrac, sur le plateau de C à Vous sur France 5, le 26 janvier 2018
Source : BlogHyform
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