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Les rats ont de l’imagination : nouvelle étude !

Capacités cognitives des rats
@envato

Les capacités cognitives des animaux continuent de fasciner la communauté scientifique, et une nouvelle étude menée par les chercheurs de l’Institut médical Howard Hughes (HHMI) au Janelia Research Campus apporte des résultats surprenants. En combinant réalité virtuelle et interface cerveau-machine (ICM), les équipes des laboratoires de Chongxi Lai, Tim Harris et Albert Lee ont découvert que les rats possèdent une forme d’imagination. Ces recherches, publiées par Lai, postdoctorant aux laboratoires Harris et Lee, révèlent que les rats peuvent penser à des lieux éloignés et imaginer des actions sans les réaliser physiquement. Cette avancée offre des perspectives nouvelles pour la recherche en cognition animale et pour le développement de technologies basées sur l’activité cérébrale, comme les prothèses intelligentes.

Les rats sont-ils capables d’imaginer ? Une nouvelle découverte

En tant qu’humains, nous passons une grande partie de notre temps à réfléchir : qu’il s’agisse de décider ce que nous allons cuisiner pour le dîner ou de rêver  d’une dernière escapade à la plage. Aujourd’hui, des chercheurs du Janelia Research Campus de l’Institut médical Howard Hughes (HHMI) ont découvert que les animaux possèdent eux aussi une forme d’imagination.

Une équipe des laboratoires Lee et Harris a mis au point un système novateur combinant la réalité virtuelle et une interface cerveau-machine pour explorer les l’activité cérébrale des rats. Ils ont ainsi constaté que, tout comme les humains, les animaux peuvent penser à des endroits et à des objets qui ne sont pas face ou autour d’eux. Ils utilisent leurs pensées pour imaginer se rendre à un lieu ou déplacer un objet distant vers un endroit précis.

À l’instar des humains, lorsque les rongeurs vivent des situations ou visitent des lieux, des schémas d’activité neuronale spécifiques sont activés dans l’hippocampe, une zone du cerveau responsable de la mémoire spatiale. Cette nouvelle étude révèle que les rats peuvent volontairement générer ces mêmes schémas d’activité neuronale afin de se souvenir de lieux éloignés de leur position actuelle.

« Le rat peut effectivement activer la représentation de lieux dans son environnement sans s’y rendre physiquement« , explique Chongxi Lai, et premier auteur d’un article décrivant ces nouvelles découvertes. « Même si son corps est immobile, ses pensées spatiales peuvent le transporter dans un lieu très éloigné. »

Cette capacité à imaginer des lieux éloignés de sa position actuelle est essentielle pour se remémorer des événements passés et imaginer des scénarios futurs possibles. Selon les auteurs de l’étude, ces travaux démontrent ainsi que les animaux, tout comme les humains, possèdent une forme d’imagination.

Imaginer est l’une des choses remarquables que l’humain peut faire. Nous venons de découvrir que les animaux le peuvent aussi, et nous avons trouvé un moyen de l’étudier.

Albert Lee, ancien chef d’équipe à Janelia

Interface cerveau-machine : une révolution pour comprendre l’imagination des rats

Le projet a commencé il y a 9 ans, lorsque Chongxi Lai est arrivé à Janelia en tant qu’étudiant en doctorat avec une idée ambitieuse : tester si un animal pouvait penser. Son conseiller, Tim Harris,, lui a alors suggéré de discuter avec Albert Lee, dont le laboratoire s’intéressait à des questions similaires.

Ensemble, les deux laboratoires ont collaborer pour developper un système permettant de comprendre ce que les animaux pensent — une sorte de « détecteur de pensées » en temps réel capable de mesurer l’activité neuronale et d’en interpréter la signification.

Le système repose sur une interface cerveau-machine (ICM), qui permet de créer une connexion directe entre l’activité cérébrale et un dispositif externe. Dans ce cas, l’ICM met en relation l’activité électrique de l’hippocampe du rat avec sa position dans une arène de réalité virtuelle à 360 degrés.

L’hippocampe est responsable de la création de cartes mentales du monde, utiles pour rappeler des événements passés et imaginer des scénarios futurs. La remémoration des souvenirs implique la génération de schémas d’activité hippocampale spécifiques liés à des lieux et des événements. Cependant, jusqu’à présent, personne ne savait si les animaux pouvaient contrôler cette activité de manière volontaire.

L’ICM permet ainsi aux chercheurs de tester si un rat est capable d’actionner l’activité de l’hippocampe pour simplement penser à un endroit dans l’environnement, sans s’y rendre physiquement — en détectant, en d’autres termes, si l’animal peut imaginer se déplacer vers un lieu spécifique.

Comment décoder les pensées des rats grâce à une interface cerveau-machine

Une fois le système développé, les chercheurs ont dû créer un « dictionnaire de pensées » pour décoder les signaux cérébraux des rats. Ce dictionnaire compile les schémas d’activité cérébrale observés lorsque le rat vit une expérience — dans ce cas précis, lorsqu’il explore des lieux dans l’environnement de réalité virtuelle.

Le rat est équipé d’un harnais dans le système de réalité virtuelle, conçu par Shinsuke Tanaka. Alors que le rat marche sur un tapis roulant sphérique, ses mouvements sont traduits à l’écran dans une arène à 360 degrés. Le rat reçoit une récompense lorsqu’il atteint son objectif.

Simultanément, le système ICM enregistre l’activité hippocampale du rat. Les chercheurs peuvent ainsi observer quels neurones sont activés lorsque le rat navigue dans l’arène pour atteindre ses objectifs. Ces signaux constituent la base de l’ICM hippocampale en temps réel, où l’activité cérébrale de l’hippocampe est traduite en actions visibles à l’écran.

Utilisation de l’imagination : des tâches novatrices pour tester les rats

Après avoir déconnecté le tapis roulant, les chercheurs ont créé une tâche appelée « Jumper », en référence au film de 2008 du même nom. Cette tâche consiste à récompenser le rat lorsqu’il reproduit le schéma d’activité hippocampale associé à une localisation cible dans l’arène virtuelle. L’ICM traduit alors l’activité cérébrale de l’animal en mouvement sur l’écran de réalité virtuelle. En d’autres termes, le rat se sert de son activité mentale pour naviguer vers la récompense, en réfléchissant d’abord à l’endroit où il doit se rendre pour l’obtenir.

Ce processus est similaire à ce que vivent les humains au quotidien. Par exemple, lorsqu’on nous demande de faire des courses dans un magasin que nous connaissons bien, nous pouvons imaginer les lieux que nous traverserons avant même de quitter la maison.

Dans une autre tâche, baptisée « Jedi » en référence à Star Wars, le rat utilise uniquement ses pensées pour déplacer un objet vers une destination dans l’espace virtuel. Le rat est fixé à un emplacement virtuel, mais parvient à « déplacer » un objet vers son objectif en contrôlant son activité hippocampale. Cela ressemble à la manière dont une personne, assise à son bureau, pourrait imaginer prendre une tasse à côté de la machine à café et la remplir.

Les chercheurs ont ensuite changé la position de l’objectif, demandant à l’animal de produire des schémas d’activité cérébrale correspondant à cette nouvelle localisation.

Les rats : capables de maintenir des pensées complexes sur de longues durées

Les résultats de ces expériences montrent que les rats sont capables de contrôler précisément et avec souplesse leur activité hippocampale, tout comme les humains. Les rats peuvent maintenir cette activité cérébrale sur une localisation spécifique pendant plusieurs secondes, une durée similaire à celle pendant laquelle les humains peuvent revivre des événements passés ou imaginer de nouveaux scénarios.

Ce qui est étonnant, c’est la capacité des rats à penser à cet endroit, et à aucun autre, pendant une très longue période, en prenant en compte la notion d’attention limitée que nous avons des rongeurs.

Tim Harris

Cette étude démontre que l’ICM peut être utilisée pour explorer l’activité hippocampale, offrant ainsi un nouveau moyen d’étudier cette région du cerveau cruciale. Comme les interfaces cerveau-machine sont de plus en plus utilisées dans les prothèses, ces travaux ouvrent également la voie à la conception de nouveaux dispositifs prothétiques basés sur ces mêmes principes, selon les auteurs de l’étude.

Applications futures des interfaces cerveau-machine et des recherches sur l’imagination animale

Cette recherche pionnière ouvre de nouvelles perspectives, non seulement pour la compréhension de la cognition animale, mais aussi pour le développement de technologies basées sur l’interaction cerveau-machine. L’une des applications potentielles les plus prometteuses de ce travail concerne les dispositifs prothétiques. En effet, les interfaces cerveau-machine sont déjà en train de révolutionner le domaine des prothèses, permettant à des patients de contrôler des membres artificiels grâce à leur activité cérébrale.

Implications pour la recherche sur la mémoire

L’étude menée par les chercheurs du Janelia Research Campus démontre que cette technologie pourrait être poussée encore plus loin, en s’appuyant sur les capacités de l’hippocampe à générer des schémas d’activité pour guider des actions. En extrapolant ces résultats, on peut imaginer des prothèses futuristes contrôlées non seulement par des pensées conscientes, mais aussi par des processus cognitifs plus complexes comme la planification ou l’anticipation.

De plus, cette découverte sur la capacité des rats à imaginer des lieux éloignés de leur position actuelle pourrait également avoir des implications pour la recherche sur la mémoire, notamment en ce qui concerne des troubles tels que la maladie d’Alzheimer, où la mémoire spatiale est souvent affectée. Comprendre comment le cerveau génère et contrôle ces schémas pourrait offrir de nouvelles pistes pour traiter ces pathologies.

Source : Institut médical Howard Hughes

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