Désinsectisation

Punaise de lit : entre histoire et résistance

Gros plan sur une punaise de lit
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Depuis des siècles, les humains sont confrontés à un adversaire insidieux : les punaises de lit. De son nom scientifique Cimex lectularius, ces petits insectes ne dépassant pas la taille d’un pépin de pomme se nourrissent de sang, ce qu’on appelle des arthropodes hématophages. Inscrites dans notre quotidien, les punaises de lit tissent une histoire complexe accentuée par de multiples tentatives de détection, de contrôle et d’éradication. Cet article intègre les perspectives de Jean-Michel Bérenger, responsable de l’insectarium de l’IHU Méditerranée Infection, et Benoît Cottin, entomologiste, qui partagent leurs connaissances et expériences sur le sujet.

Une lutte historique contre les punaises de lit

Les premières traces de cette lutte remontent à l’Antiquité, où diverses civilisations ont tenté de contrôler les infestations de punaises de lit en utilisant des méthodes rudimentaires.
Des preuves archéologiques suggèrent que les anciens Égyptiens utilisaient des herbes aromatiques pour repousser les punaises, tandis que les Romains appliquaient des huiles et des onguents sur leur peau pour les éloigner.

Les méthodes inefficaces du passé

Dans les années 1900, les méthodes étaient souvent inefficaces et dangereuses pour la santé. Jean-Michel Bérenger, responsable de l’insectarium de l’IHU (Institut Hospitalo-Universitaire) Méditerranée Infection et l’un des membres fondateurs de l’INELP (Institut National d’Étude et de Lutte contre la Punaise de lit), évoque ces temps révolus où le feu et le soufre étaient employés, ainsi que l’insecticide DDT dès son apparition en 1939.

On distingue une vraie organisation dans les années 1960 notamment à travers un documentaire de l’INA où l’on observe des agents de Paris qui viennent chercher des matelas chez les particuliers puis les traitent à la chaleur, grâce à un système d’étuvage, puis les rendent à leurs propriétaires. Cependant, le lindane utilisé était très toxique pour les habitations et leurs occupants.

Jean-Michel Bérenger, responsable de l’insectarium de l’IHU Méditerranée Infection

Il faut savoir, ajoute Benoît Cottin, entomologiste, que le lindane a surtout été interdit car c’est un très large spectre et il est extrêmement rémanent et se retrouve accumulé dans le foie, les reins… Le lindane a été utilisé très longtemps en pharmacie contre les poux et la gale car jugé moyennement toxique, mais pas pour les insectes !

L’évolution des méthodes de contrôle

L’évolution des méthodes de contrôle reflète une prise de conscience croissante des limites des approches chimiques et des dangers qu’elles représentent. Actuellement, la tendance s’oriente vers des solutions non chimiques, favorisant une lutte mécanique et physique. L’aspiration, la vapeur, le lavage à haute température et même la congélation sont privilégiés, associés à une organisation rigoureuse et des protocoles bien établis.

On parle alors de lutte intégrée, c’est-à-dire combiner plusieurs mesures de contrôles afin d’avoir un maximum d’efficacité et agir à tous les niveaux de développement de l’insecte tout en mesurant les risques pour les victimes et les professionnels”, souligne Jean Michel Bérenger.

Une recrudescence des infestations de punaise de lit

Néanmoins, malgré les progrès, les punaises de lit persistent, voire prolifèrent, posant de nouveaux défis. La récente recrudescence met en lumière les liens étroits entre les mouvements de population et la propagation des nuisibles. De plus, la précarité économique conduit parfois à des interventions maladroites aggravant alors le problème.

Dans son rapport, l’Anses indique qu’il n’existe pas non plus de lien entre le niveau de revenu d’un foyer et le fait d’être victime d’une infestation. L’enquête réalisée par l’Ipsos pour l’Anses révèle que 11 % des foyers français ont été infestés par des punaises de lit entre 2017 et 2022. Toujours d’après l’enquête Ipsos réalisée pour le compte de l’Anses, près de 40 % des infestations ont pour origine un séjour dans un hôtel ou autre type de location de vacances, près de 20 % ont pour origine l’achat de matériel d’occasion et dans 16 % des cas, le domicile était déjà infecté à l’arrivée des nouveaux habitants.

“Parler de la punaise de lit, c’est déjà commencer la lutte”

Loin d’être de simples parasites, les punaises soulèvent des questions profondes sur notre rapport à la nature et à notre propre vulnérabilité. Jean-Michel Bérenger souligne l’importance de l’éducation et de la sensibilisation et propose d’intégrer ces sujets dans les programmes scolaires.

Concernant les stratégies futures, le responsable de l’IHU Méditerranée Infection plaide pour une approche collaborative à l’échelle locale. “C’est au niveau des villes que les stratégies doivent se mettre en place, comme cela se fait à Lyon par exemple avec une gestion pluridisciplinaire”, remarque l’expert. Il appelle également à un soutien accru des associations sur le terrain qui jouent un rôle crucial dans cette lutte perpétuelle. Adopter des pratiques de contrôle adéquates et briser les tabous qui les entourent semblent être la voie à suivre, car, comme aime le rappeler Jean-Michel Bérenger : “la punaise de lit n’est pas une question d’hygiène, on peut en parler librement sans avoir honte. En parler, c’est déjà commencer la lutte”.

Contributeurs :
Benoît Cottin, entomologiste à LGH
Jean-Michel Bérenger, responsable de l’insectarium de l’IHU Méditerranée Infection

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