Insecticides et alternatives durables : les punaises font encore de la résistance
Malgré des avancées notables dans le domaine des biocides, les punaises de lit demeurent un adversaire redoutable dans le paysage de la lutte antiparasitaire. Face à l’augmentation de leur résistance aux traitements traditionnels, la communauté scientifique et les professionnels du secteur sont à la recherche de solutions innovantes et moins nocives. Frédéric Torelles, directeur technique chez DKM Expert, et Alexis Dorothé, fondateur et gérant de la société AD Nuisibles, partagent leurs expériences et avis sur ces nouvelles stratégies. Cette exploration offre un aperçu crucial des tensions entre efficacité immédiate et durabilité environnementale, posant la question fondamentale : sommes-nous en train de gagner la bataille contre ces nuisibles ou simplement de déplacer les lignes de front ?
Sommaire
L’historique des insecticides dans le traitement anti-punaise de lit
L’utilisation du DDT, un insecticide de synthèse a débuté massivement après la Seconde Guerre mondiale, marquant une ère de lutte intensive contre les parasites vecteurs de maladies. Cette approche a initialement réduit les populations de punaises de lit, mais le répit fut de courte durée. La fin des années 90 a vu une résurgence due à l’accroissement des voyages internationaux, tant pour le tourisme que pour les affaires, et une augmentation de la résistance aux insecticides.
Les insecticides modernes : une utilisation prudente
Aujourd’hui, les insecticides règnent encore dans la lutte antiparasitaire malgré les préoccupations croissantes concernant leur toxicité, notamment environnementale, et la résistance des nuisibles. Les professionnels équipés de certibiocide disposent d’une gamme de principes actifs moins nocifs, tels que les pyréthrinoïdes, les organophosphorés, et les néonicotinoïdes. Ces agents neurotoxiques, bien qu’efficaces contre plusieurs espèces, nécessitent une manipulation prudente pour minimiser leur impact sur les espèces non ciblées.
Origine végétale ou synthétique : des caractéristiques à étudier pour lutter contre la punaise
Les neurotoxiques d’origine végétale, tels que la pyréthrine, extraite du pyrèthre de Dalmatie, sont utilisés depuis des siècles. Malgré leur origine naturelle, leur faible rémanence peut entraîner une surutilisation, nuisible pour les insectes non ciblés et les écosystèmes aquatiques. Le géraniol offre une alternative moins nocive, mais son dosage doit être soigneusement géré pour éviter de disperser plutôt que d’éliminer les infestations.
Les neurotoxiques synthétiques se distinguent par leur efficacité et leur rémanence, étayées par des études rigoureuses. Leur toxicité est précisée dans leurs fiches de sécurité, incluant les doses létales médianes (DL50), “ce qui est essentiel pour une application adéquate”, nous explique Frederic Torelles, DT chez DKM Expert. Ces informations ne sont pas seulement des atouts mais des exigences réglementaires pour l’approbation des pesticides.
Face à la résistance croissante, l’introduction de régulateurs de croissance (IGR) des insectes comme le pyriproxyfène, et de polymères silicone, offre des perspectives prometteuses. Le pyriproxyfène, par exemple, empêche les punaises de lit de maturer et de se reproduire, réduisant ainsi la transmission des traits de résistance.
Nouvelles méthodes adaptées aux circonstances pour les punaises de lit
Récemment, des molécules comme les polymères silicone ou les régulateurs de croissance (IGR) ont pris place sur le marché. Un de ceux-ci, le pyriproxyfène, a la capacité de maintenir les insectes au stade larvaire. Les fabricants l’annoncent capable d’empêcher les populations tenaces de transmettre leurs propriétés de résistance à la génération suivante. Cependant, sa dangerosité, en particulier sur les fœtus, est une préoccupation émergente.
Alternatives non-neurotoxiques et considérations pratiques
Dans la catégorie des non-neurotoxiques se dresse également la terre de diatomée. Composée de fossiles d’algues, elle endommage la couche protectrice des insectes par abrasion et absorption des corps gras, ce qui entraîne leur mort par déshydratation.
Sa formulation en spray, contrairement à la poudre libre, permet un dépôt par canule, par exemple sur ou sous les plinthes ou fissures, limitant ainsi, une fois sec, le risque d’inhalation par les animaux de compagnie ou les enfants en bas âge.
Le lieu infesté et ses occupants, humains comme non-humains, sont des critères primordiaux à considérer lors du choix de la substance et de sa méthode d’application. Selon Alexis Dorothé, fondateur et gérant de la société AD Nuisibles, les traitements mécaniques et thermiques peuvent permettre de réduire le recours aux insecticides au strict nécessaire afin de limiter le nombre de passages et éviter la méthode “Canadair”.
Vers une intégration innovante des approches mécaniques et thermiques pour les punaises de lit
En matière d’appareillages, les méthodes thermiques, qu’elles utilisent le chaud ou le froid, éliminent efficacement les punaises sans laisser de résidus chimiques. Côté chaleur, les punaises doivent être exposées à plus de 57°C pendant une durée déterminée de quelques minutes jusqu’à 1h pour les œufs. Pour ce faire, 2 solutions principales : la tente thermique et la machine à vapeur, sèche ou humide. La première permet de traiter des objets infestés dans leur globalité. Côté froid, les bombes de gaz à -40°C, ou plus radical, les projecteurs de neige carbonique à -78°C, ont aussi prouvé leur efficacité.
Méthodes combinées et gestion durable des nuisibles
Ces méthodes, couplées à l’utilisation stratégique d’aspirateurs à insectes lors de fortes infestations, s’intègrent dans une approche globale de gestion durable des nuisibles, visant à minimiser les impacts écologiques tout en contenant la prolifération des résistances.
Ces stratégies de gestion des nuisibles représentent un investissement initial rapidement amorti grâce à leur efficacité prouvée, à leur innocuité relative et à leur capacité à être intégrées dans des protocoles de traitement synergiques, qu’ils incluent ou non l’utilisation d’insecticides.
En effet, l’adoption de méthodes thermiques et mécaniques, en complément ou en substitution des approches chimiques, permet non seulement de réduire la charge toxique globale mais aussi de proposer des alternatives viables là où les insecticides perdent en efficacité. La diversification des outils de contrôle des parasites est donc non seulement une réponse pragmatique aux défis actuels de la résistance, mais également une étape nécessaire pour préserver l’efficacité à long terme des stratégies de gestion. En envisageant ces technologies avancées, les professionnels du secteur peuvent non seulement répondre aux exigences réglementaires croissantes mais aussi anticiper les futures dynamiques écologiques et régulatoires.
Cette approche polyvalente et proactive est essentielle pour garantir une gestion durable des nuisibles, minimisant ainsi les répercussions sur la santé publique et l’environnement tout en optimisant l’efficacité opérationnelle.
Source : article paru dans le magazine Viva Protect – été 2024
Auteur : Mia Rozenbaum
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Contributeurs :
Frédéric Torelles – Directeur technique chez DKM Expert
Alexis Dorothé – Fondateur et gérant de la société AD Nuisibles
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