Eric Darrouzet

26/06/2021

Eric Darrouzet est enseignant-chercheur à l’Université de Tours, et directeur du département professionnel Agrosciences. Le spécialiste du frelon asiatique nous explique le quotidien de son métier de chercheur, les aspects compliqués dont on ne se doute pas…

Globalement, quels sont les freins de la recherche en France ?

Eric Darrouzet : Il y a un frein financier énorme, mais ce n’est pas le seul. Le problème de la recherche en France, et je pense que c’est pareil partout dans le monde, c’est que les tutelles des laboratoires, au niveau universitaire, ministériel ou du CNRS, ne donnent pas assez d’argent pour que l’on puisse faire de la recherche. C’est ce qui est très compliqué.

Alors, comment faites-vous pour financer vos projets ?

ED : Eh bien aujourd’hui, mon activité principale est de chercher de l’argent pour travailler en recherche. Je passe énormément de temps à monter des projets pour essayer d’obtenir de l’argent et pouvoir travailler. Je suis obligé de recruter quelqu’un, un(e) étudiant(e) ou quelqu’un en CDD pour faire le travail de recherche et les manipulations avec moi. Il nous faut aussi le budget pour payer les déplacements sur le terrain, acheter du petit ou du gros matériel…

Le côté recherche financière est extrêmement chronophage. En plus, je suis enseignant-chercheur. Donc, à côté de mes projets de recherche, je fais de l’enseignement et je dirige mon département à l’université de Tours. Cela représente une charge administrative énorme. Si j’avais su cela, je ne sais pas si j’aurais choisi ce métier !

Enfin, je dis ça mais je n’ai pas à me plaindre. Rien qu’en 2021, deux de mes projets sont financés donc je vais pouvoir recruter trois ingénieurs qui vont travailler avec moi. Sur le projet frelon, j’ai toujours eu de l’argent pour travailler depuis 2011, ce qui veut dire que je m’en sors bien dans l’ensemble.

Comment fait-on pour monter des dossiers de recherche ? 

ED : Vous savez, il est très compliqué de faire de la recherche. Il faut vraiment être très motivé ! C’est un milieu terrible. Il faut aller taper à des portes, répondre à des appels d’offres (européens ou locaux), et obtenir de l’argent pour pouvoir travailler.

Tous les chercheurs sont confrontés à cela, et il y a évidemment beaucoup de concurrence, surtout par rapport aux appels d’offres.

Il faut consacrer deux ou trois mois à monter le dossier d’un projet, à chercher les bons partenaires, à discuter avec eux, à calibrer le projet, à construire les tableaux financiers… Ce n’est pas mon métier à la base ! Je ne suis pas un financier moi ! Mais on est obligés de faire tout cela. Et si on se débrouille bien, on peut obtenir de l’aide… en sachant qu’on a moins de 10% de chances d’être financé par derrière. La liste de projets et demandes de financement dans mon ordinateur est longue comme mon bras. Ceux qui ont été financés ne représentent que la hauteur de mon doigt. C’est juste le sommet émergé de l’iceberg.

Quels sont les autres aspects compliqués de votre métier de chercheur ?

ED : Le côté collaboration. Il faut arriver à travailler avec différentes personnes qui ont des impératifs différents et qui n’ont pas autant de temps que vous à consacrer à ce projet. Mon métier consiste donc aussi à coordonner les gens, ce qui est également très chronophage. Il faut trouver des gens motivés et arriver à travailler avec.

Même les gens extérieurs au projet sont importants. Par exemple, j’ai besoin de ruchers attaqués par des frelons pour faire des tests. Et il est très difficile de trouver quelqu’un qui me dise : « J’ai un rucher ici, il y a du frelon, vous pouvez venir faire vos expérimentations. Je vous laisse faire ce que vous voulez ». Ça n’est pas si répandu que cela. Certaines années (comme en 2016, 2017, ou 2018), c’était très compliqué pour avoir des frelons pour faire des manipulations.

Est-ce que c’était un problème de communication vis-à-vis de partenaires potentiels, qu’ils soient apiculteurs ou autres ? C’est possible. Ce n’est pas la faute d’une seule personne me semble-t-il. Je pense que c’est multifactoriel. Donc, on a parfois des problèmes à avoir une bonne communication pour pouvoir travailler en partenariat sur le terrain. Parfois ça marche très bien, parfois ça marche un peu moins bien…

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